Le château maléfique par Anne-Abigail Lemeunier du Chesne
La route défile comme un long ruban monotone…. Juliette d’un geste machinal caresse ses longs cheveux de jais encadrant l’ovale d’un visage très pâle…
Il fait froid, mais d’un froid sans comparaison aucune avec l’hiver qui s’annonce. Un froid laissé par l’angoisse et dont Juliette se dit qu’il ressemble à ses
feuilles délaissées par l’automne qu’un vent maladroit jette à la figure des étoiles… qui s’en foutent. La voiture dans laquelle, presque contre son gré elle s’était tout à l’heure assise,
pensant à défaut de s’y plaire au moins de s’y trouver à l’aise, se dirige maintenant à vive allure vers une destination que seul l’ordonnancier de leur vie semble connaître. Ne sachant conduire
elle a pris place comme à l’accoutumée à l’arrière et partage son temps entre le paysage qui défile et le cuir mou du siège. Elle demeure blottie, prisonnière d’elle-même, comme confinée dans un
tourment assassin, pour ne pas dire autiste.
Juste devant elle, il y a Sylvie, cheveux châtain et gros nichons, qu’elle considérait comme une amie et à ses côtés, assise au volant, Isabelle qui parfois
détourne son regard de la route pour se moquer de son air contrit. Isabelle, c’est cette femme blonde dont le profil évoque tout à la fois le requin ou le rapace, ce qui ne l’empêche nullement
d’être très belle.
Sylvie la lui a présentée un soir de débauche.
– Regarde ma copine comme elle se fait bien enculer par cette bonne bite !
Effectivement un grand gaillard coiffé à la Bob Marley, lui faisait gouter les joies de la sodomie en commentant ses assauts d’un langage abscons.
– Mets-toi devant elle, elle va te sucer la moule…
Les trois filles devinrent inséparables… pendant une semaine.
C’est alors que les ennuis ont commencé. Il leur fallait de l’argent à ces deux connes, un petit braquage sans histoire avaient-elles dit. Le bruit des balles
siffle encore autour de Juliette qui semble de loin la plus perturbée, et puis ce policier mort pour quoi ? Une question qui n’a trouvé de réponse que dans la fuite. Juliette voudrait dire à
Sylvie qu’elle arrête de fumer ces putains de cigarillos qui puent, mais elle pense qu’en fait c’est son esprit tout entier qui pue. Elle ne dit rien et Sylvie semble la toiser du haut de son
indifférence, laissant à sa froide beauté le soin de couper toute envie de conversation. On a connu des statues plus expressives.
De son futur elle ne ressent plus que la crainte et la faillite. La route devient difficile. Sylvie prétend qu’elle est déjà venue dans la région à une époque où le
tourisme y était prospère et qu’elle se souvient vaguement d’un raccourci, une route peuplée de légendes macabres dont elle a oublié de se rappeler. Elles en rient tandis que Juliette ne les
écoute pas ou peu. Il paraît que personne n’en est jamais revenu et que l’on ignore où elle mène et surtout si elle mène quelque part. Sylvie trouve que c’est justement l’endroit idéal pour une
retraite, pour s’y faire oublier. Juliette, elle, elle sait où elle va, elle va à ce néant qui est aujourd’hui sa vie : elle n’aura plus jamais chaud.
La voiture s’avance, emprunte le raccourci, le destin parfois aussi emprunte d’étonnants raccourcis. Le décor souffre d’un manque de rigueur, les ravins succèdent
aux précipices, les montagnes s’alignent en cohorte montante et le soleil quant à lui s’il ne s’appuie pas encore nettement sur l’une d’elle est néanmoins déjà mourant.
« Le jour décline la nuit augmente, Le gouffre a toujours soif »
Juliette se récite Baudelaire à voix lente. Puis elle le regarde, ce soleil, le premier qui lui échappe d’un jour maudit, elle le regarde délaisser un peu de son
sang sur les bords frangés des collines. Tout lui rappelle son malheur : la route caillouteuse, la profondeur des précipices, la pénombre étouffante, et le soleil qui pose son agonie… Soudain
Isabelle s’agite et la tire de son soliloque.
– Vous voyez ce que je vois ! s’écrie-t-elle excitée comme à son habitude, quand elle n’est pas de mauvaise humeur.
– On dirait un château, répond Sylvie tandis qu’elle passe une main dans ses longs cheveux châtains.
En effet une grande bâtisse à l’allure baroque s’élève maintenant devant les trois femmes. Les fenêtres sont à ce point imposantes qu’on dirait des yeux et la porte
d’entrée à tout d’une bouche béante aux commissures sournoises. Ce château est un visage à lui tout seul. Il porte cependant en lui quelque chose de démesuré qui fait peur à Juliette qui croit y
reconnaître les traits d’un homme jadis connu rapporté de loin par dieu seul sait quel souvenir antique. Une tour secouée par le vent et habitée par son murmure semble battre la mesure du temps,
un doux vol d’hirondelles lui octroie un peu de vie et néanmoins s’échappe très vite de ses coteaux avant de se jeter à l’arrière du château dans le précipice qui le jouxte de très près.
– Alors tu viens Juliette ou il faut que l’on vienne chercher ! crie alors Isabelle qui déjà s’approche de la porte. J’ai attendu d’avoir 29 ans pour voir ça
s’écrie-t-elle, à nouveau excitée.
– Moi j’ai cinq ans de moins et je m’en serais bien passée, s’exclame Sylvie désappointée.
Juliette n’a pas d’autre choix que de les suivre… Isabelle en tête, les trois femmes s’approchent de l’imposante porte d’entrée. Le heurtoir de bronze les fixe d’un
regard mauvais, Juliette frémit tout en essayant de se convaincre que ce n’est que son imagination qui lui joue des tours. Isabelle hésite à frapper : si le château est abandonné, cela n’aura pas
d’importance. Mais s’il ne l’est pas, que diront les propriétaires ? Ils risqueraient de les reconnaître et d’appeler la police, leur signalement doit avoir été diffusé partout ! Comme si elle
avait lu dans son esprit, Sylvie suggère :
– On n’a qu’à entrer en douce et traquer les habitants s’il y en a. On avisera une fois qu’ils seront hors d’état de nuire…
Juliette a un hoquet involontaire
– Vous voulez les tuer ?!
– Qui parle de les tuer, idiote ! On peut se contenter de les assommer un peu…
Et le regard complice qu’elle échange avec Isabelle clôt le débat.
Juliette n’aura pas son mot à dire cette fois-ci non plus. Sylvie et son amie entrouvrent alors la porte en évitant autant qu’elles peuvent de la faire grincer. La
porte est lourde et le long cri que poussent les gonds rouillés trahit l’inutilité de leur effort. Elles tirent alors le battant, se moquant désormais du bruit qu’elles feront avec cette porte,
tant pis pour la discrétion.
Isabelle sort son arme et chuchote :
– Sylvie, prend cette idiote avec toi et va explorer l’aile droite. Je pars vers la gauche. Rendez-vous ici dans une heure.
Sylvie acquiesce, s’arme de son couteau et attrape Juliette par le bras.
– Tu n’as pas intérêt à faire un seul bruit, toi !
Juliette se dégage et jette un regard noir à cette fille qu’elle ne reconnaît plus comme son amie. Puis son regard s’étend vers l’immense hall dans lequel elles se
trouvent. La décoration est grandiose, riche et pleine de goût, mais tout semble poussiéreux, comme si le château avait été abandonné depuis des années. L’antiquité des lustres et la patine du
bois des escaliers ajoutent à l’atmosphère fantastique qui emplit ces lieux. Cependant, une torche enflammée accrochée au mur trahit une présence… Quelqu’un est passé ici il y a peu de
temps.
– On se croirait dans un film… Mieux, dans un conte ! Pense la jeune fille qui involontairement repense à la Belle et la Bête de Cocteau. Tout à fait cette
atmosphère obscure et poussiéreuse…
– Et bien alors ? Il n’y a pas l’électricité ici ? S’exclame Sylvie, visiblement mal à l’aise. Cet endroit me donne le frisson !
Mais Juliette ne l’écoute pas. Elle est subjuguée par la grandeur de l’endroit, par le velouté des tentures, le rouge et l’or des tapis et des cadres, par cette
lumière dansante et tamisée que projettent les chandelles des lustres et les torches aux murs. Elle se sent curieusement bien, pour la première fois depuis longtemps… Comme si elle connaissait
cet endroit, comme si elle était ici chez elle.
– Sans doute parce que j’ai toujours aimé la littérature fantastique… Je dois sûrement associer ce château à l’une ou l’autre de ces aventures imaginaires.
Pensa-t-elle à la recherche d’une explication.
Sans qu’elle s’en rende compte, elle a pris les devants et explore, pleine d’enthousiasme, les nombreuses pièces du château, Sylvie anxieuse sur ses talons.
L’heure écoulée, les trois femmes se retrouvent devant la grande porte.
– Je n’ai trouvé personne, commença Isabelle. C’est étrange, car le château ne peut pas être abandonné, il y a des torches partout et j’ai entendu le mouvement
d’une horloge.
– Et pas d’électricité ! Ajouta Sylvie.
– Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé des chambres, à l’étage. On va pouvoir dormir ici. Rien d’intéressant chez vous ?
– Non. Une salle à manger, une salle commune, des toilettes à la turque,….
Les yeux d’Isabelle s’illuminent :
– Une cuisine aussi ?
– Oui, mais vide.
– Dommage. On ne mangera pas ce soir.
Juliette se risque à placer un mot.
– Vous ne trouvez pas ça bizarre vous ? De la poussière comme si le château était abandonné, des lumières comme s’il était habité, mais une cuisine vide et pas
d’électricité ni d’eau courante ! On se croirait revenu en arrière dans le temps ou quelque chose dans le genre.
Les deux complices se taisent un instant, mais Sylvie brise le silence :
– Arrête avec tes conneries, tu me donnes la chair de poule !
Puis après un autre instant de silence :
– Je propose qu’on monte à l’étage se trouver des lits. Plus vite la nuit sera passée, mieux je me sentirais !
Acquiesçant sans mot dire, Isabelle monte à l’étage, suivie de près par Sylvie. Juliette en arrière de quelques marches à un sourire émerveillé. Celui-ci cependant
se fige quand elle voit au milieu des nombreux portraits qui semblent saluer leur ascension se dessiner le visage plaisant d’un jeune homme vêtu du plus bel habillage. Contrairement aux autres
aucune date ne stipule sa naissance et moins encore sa mort. Le cadre est légèrement de travers, l’empêchant de mieux en apprécier les détails, mais elle parvient néanmoins à déceler quelque
chose d’attendrissant qui s’enfuit du regard, lequel ne paraît avoir d’éclat que pour elle et semble habité de cette lueur surannée des gens pour qui l’avenir n’est qu’un passé recomposé. Un nom
émerge un temps de la poussière : Desmond.
– Tu te dépêches, geins soudain Sylvie tirant Juliette de sa torpeur, Isabelle nous a trouvé une chambre !
Juliette ne peut contenir un regard à nouveau haineux à l’encontre de Sylvie ! Et la considérant des pieds à la tête elle se demande une fois de plus où elle a bien
pu apprendre à s’habiller ! Son débardeur à bretelles fait office de soutien-gorge et surplombe un jeans qui semble avoir trop pris le moule de ses fesses.
« Elle va bien avec l’autre ! », pense-t-elle,
L’autre c’est à dire cette Isabelle qu’elle voudrait n’avoir jamais connue et qui est toujours à se mettre des mini-jupes en cuir pour appuyer l’aimable richesse de
son postérieur. Juliette s’enquière alors d’une autre chambre, ne désirant pas partager plus longtemps son espace avec les deux pétasses qui ont maintenant au moins mérité son antipathie. Au vu
du nombre de pièces qu’abrite le château le choix se pose en embarras et pourtant elle arrête très vite ce dernier sur la chambre voisine, non sans en avoir visité quelques autres au préalable
qui lui ont laissé de la poussière aux lèvres. Celle-ci l’intrigue. D’abord à cause de la porte surmontée par une sorte de pentacle et aussi en ce qu’elle lui parait la plus courtoise en
comparaison de l’austérité du reste. Ses dimensions sont immenses et elle semble avoir été pensée en fonction du grand lit à baldaquins qui à lui seul remplit tout un côté de la pièce.
L’atmosphère y est chaude et l’air moins humide que partout ailleurs dans le château. Une énorme commode fait face au lit tandis qu’au centre se trouve un boudoir lui-même surmonté de trois
bougies séparées sur une égale distance et entourant un livre mis de biais et portant le titre énigmatique de « Ma Mémoire Morte ».
Juliette qui a oublié d’être indifférente, s’empresse de le feuilleter, l’écriture est vive et nerveuse, rendant la lecture délicate, et les ratures sont nombreuses
qui portent sur des mots comme amour, aimée, douleur, cercueil, joie. Cela ressemble à un livre de bord sans pour autant en être un. Des dates ponctuent les pages et donnent le rythme des siècles
: 1590, 1614, 1780, 1850, 1910. A chacune d’elles semble correspondre un événement enfanté dans le supplice et succédant à un grand vide de mots. Un nom revient sur à peu près chaque page, un nom
de femme : Luciana. Il est bien impossible à Juliette de tirer un récit de ses brides, elle n’en demeure pas moins interloquée et merveilleusement captivée. Une page semble avoir été déchirée et
Juliette s’amuse à imaginer le chemin qui l’a conduite à émigrer en toute fin de volume. Celle-ci est demeurée lisible malgré quelques taches et pose une généalogie bizarre faisant état de
plusieurs noms s’embrassant au sein d’une histoire quelque peu morbide, calquée semble-t-il sur la mort elle-même.
On y parle essentiellement de la comtesse Elisabeth Bathory, épouse du compte Ferenz Nasdady le héros noir de la Hongrie connu surtout pour ses hauts faits de
guerre. De sang royal, elle se devait d’avoir sa place dans l’Histoire non pour la noblesse de son cœur mais pour l’étendue de ses crimes perpétrés en son château de Csejthe. Un croquis
rapidement esquissé montre un bâtiment fort semblable à celui qui les héberge aujourd’hui. Mélangeant rituels ésotériques et scènes de tortures la comtesse Bathory se lavait du sang de ses
victimes pour protéger sa jeunesse. Elle eut quatre enfants dont un fils qui, écœuré, la dénonça et dont elle devait se venger de la plus terrible des façons en faisant de Luciana, sa fiancée, sa
dernière victime. Il s’appelait Desmond, Juliette pensa tout de suite au portrait dont elle regrettait qu’il n’ait eu de voix pour parler, mais certains silences sont plus évocateurs qu’aucun
mot.
Tout en continuant la lecture, qui maintenant la captive autant qu’elle l’effraye, elle apprend ainsi que la comtesse a été emmurée dans cette chambre même où elle
se trouve aujourd’hui, avant d’y mourir quatre années plus tard à l’âge de cinquante-quatre ans, en 1614. Le compte rendu s’arrête ainsi net sur la mort de la comtesse, ne disant rien sur le
devenir de ce pauvre Desmond. Juliette frissonne et pense que cette page plutôt que déchirée a dû être rajoutée bien des années plus tard par elle ne quel trublion qui avait rêvé de joindre la
parole au mythe. Il lui reste maintenant à visiter la commode qui semble désespérément déserte, cependant en ouvrant le dernier tiroir, elle découvre une robe magnifique, entre turquoise et bleu
mât. En fait de robe il s’agit plutôt d’une chemise de nuit parfaitement conservée à ce point qu’on la croirait pour neuve. Juliette se déshabille jusqu’à être nue, puis passe le délicieux
vêtement qui étonnamment lui tombe comme un gant. Le grand miroir qui garni la commode lui renvoie à ce moment l’image d’une femme resplendissante, cintrée de bleu comme s’il s’agissait d’un
songe, sertie de son rêve comme portant un bijou.
Elle ne peut résister à la tentation d’aller se montrer à Isabelle et à Sylvie, histoire d’attiser leur jalousie. Alors qu’elle s’approche de leur chambre dont la
porte est demeurée entr’ouverte, elle risque, utile préliminaire, un regard en éclaireur par l’entrebâillement de cette dernière. Quelle n’est pas sa surprise de découvrir Isabelle, la jupe
relevée, le slip à terre et se faisant photographier le postérieur par Sylvie. Sylvie adore les fesses d’Isabelle et Isabelle aime à les lui montrer. L’instant est propice à la luxure, les chairs
appellent la pellicule et le cul d’Isabelle frissonne de toute sa peau à se savoir sur le chemin de la postérité. Bravant la fraîcheur, les deux femmes se déshabillent très vite.
Sylvie s’est saisie d’une cravache…
« Ou a-telle trouvé ça ? »
Elle frappe durement le derrière d’Isabelle qui donne l’air de se satisfaire pleinement de ce traitement sadique. De temps à autres Sylvie stoppe sa flagellation
pour prendre une photographie du postérieur rougissant. Et le manège reprend : cravache, photo, cravache photo et ce jusqu’à ce que le postérieur de la victime consentante soit devenu
cramoisi.
Sylvie lâche la cravache puis fait part à sa complice de son envie d’uriner. Spontanément Isabelle s’allonge de tout son long sur les tommettes froides de la
chambre, la bouche ouvert et la respiration saccadée, L’urine tiède de Sylvie s’coule en un jet impertinent qui vine terminer sa course dans le palais d’Isabelle qui le reçoit telle le plus
précieux des grands crus
Ce spectacle a mis les sens de Juliette sans-dessus-dessous, ses cuisses se mouillent et ce n’est pas de l’urine. Elle décide de quitter les lieux
– Mieux vaut ne pas insister !
Elle suspend néanmoins son pas le temps de prêter oreille à la conversation qui s’ouvre entre les deux femmes et dont elle semble la cible, Isabelle a du venin dans
la voix :
– Dis, ta copine Juliette c’est un vrai boulet cette fille ! « , ricane-t-elle un doigt posé sur la bouche.
– Elle n’a jamais été ma copine, tu sais, répond Sylvie,…enfin pas vraiment… J’aime à le lui laisser croire. Elle sort avec mon ancien petit ami et je suis certaine
qu’elle est encore jalouse de notre relation. Où elle n’a pas tort c’est que je ne me gênerais pas pour foutre le bordel dans sa vie si tel est mon plaisir.
Sylvie appuie cette dernière phrase d’un rictus qui déplait plus encore à Juliette que le propos lui-même.
– A te voir si belle on en oublierait que tu es une garce ! S’amuse Isabelle
Sylvie se déchausse alors de ses escarpins et commence à masser les petit seins pointus d’Isabelle avec ses pieds nus avant de porter un orteil masturbatoire vers
son clitoris. Isabelle reprend, la voix rauque de plaisir et toute tremblante.
– Moi je crois qu’elle va nous attirer des ennuis, elle est trop fragile ta copine ! Il faut nous en débarrasser au plus tôt !
Elle s’agite tout en lui demandant de continuer d’une de plus en plus voix chevrotante
– Tu veux dire la tuer… S’étonne Sylvie, très peu surprise en fait tandis qu’elle continue à triturer le clitoris d’Isabelle dont les seins se durcissent à
l’envie.
– Quoi d’autre, l’endroit est idéal. En plus, réfléchis, c’est une part en plus du butin qui trouve à s’installer dans notre poche.
– Je suis d’accord à la seule condition que tu me laisses m’en occuper.
– Que comptes-tu faire ? s’interloque soudain Isabelle dont le visage se marque maintenant de légers spasmes qui sont autant de stigmates signalant l’approche du
plaisir.
– J’ai mon idée : imaginons que demain sous le couvert d’une visite du château un événement malheureux survienne…
– Toi, je sais ce que tu vas me dire…
– Il y a une tour qui donne tout entière sur un précipice : une chute est si vite arrivée…
Juliette enrage d’entendre ça. Elle d’habitude si gentille et dont on a toujours eu à vanter la courtoisie et la richesse du cœur se voit maintenant assaillie
d’idées de meurtre corrélatives à sa colère. Les images lui viennent, burlesques pour la plupart. Ainsi, imagine-t-elle Isabelle et Sylvie liées à leur lit et proposant leur postérieur à diverses
tortures et plus encore à sa vengeance…
Dehors le jour vacille, la pénombre déborde. Des pans entiers de nuit s’épandent sur le petit cimetière bordant le château. L’air semble immobile. Le froid culmine
au portique des bois, un froid si proche du sépulcre qu’on le dirait de pierre. Bientôt, un bruit de carriole se mêle au vent mais Juliette ni Sylvie et encore moins Isabelle qui n’en peut plus
de jouir ne peuvent l’entendre. Un vertige s’empare de la nuit qu’éclairent juste quelques bougies et le silence est un invité bavard que l’on entend que trop.
Quand Juliette regagne sa chambre, son regard est éteint et son esprit empli des brumes hivernales de la dépression. Elle s’affale sur le grand lit prise de fatigue
et laisse aux heures le soin de rythmer ses rêves. Le noir, bientôt, envahit tout, du salon à l’étage en passant bien évidemment par la cage d’escalier où se tient le portrait de Desmond. Une
horloge ponctue la nuit d’un martèlement obscène. Juliette, de temps à autre, s’éveille parcourue d’un frisson. Soudainement alors qu’elle se retourne pour interroger le cadran des heures une
surprise et non des moindres l’attend : les bougies se sont allumées sans y avoir été invitée et derrière elles se dessine la forme oblongue d’un visage qui ressemble à s’y méprendre à Desmond
Nasdady. Il est blafard certes mais gracieux et ses fins sourcils s’ajoutent à ses traits pour donner à son visage raffinement et noblesse.
Bien vite une bourrasque fait claquer la fenêtre, soufflant les bougies ainsi que chacun des traits de ce visage qu’elles avaient sorti pour un temps de l’ombre. En
même temps des jappements de jouissance lui parviennent à l’oreille, qui émanent de la chambre voisine.
– Elle n’arrêterons donc jamais de baiser ? Se dit Juliette excédée.
Ce qu’elle ignore c’est que Sylvie et Isabelle ont été surprises dans leur sommeil par deux ombres qui maintenant honorent leur nudité agissant telles des vagues et
parcourant leur corps du lent friselis du plaisir… A peine Juliette s’est-elle réinstallée dans la torpeur qu’elle sent un vent caressant lui courir sur la peau sans se douter qu’il s’agit d’une
main dont la douceur n’a d’égale que la blancheur. Son corps lui échappe bientôt à petites doses, le plaisir se plaît au murmure, Juliette n’ose cependant pas ouvrir les yeux tant sa crainte est
grande de ce qu’elle pourrait découvrir. Elle se transforme bientôt en un brasier que seul vient éteindre une petite morsure qui lui marque soudainement le coup et la transforme en une autre
:
– Luciana enfin je te retrouve… lance Desmond d’une voix plus proche du chuchotement que de la parole.
Ces mots suffisent à Juliette pour retrouver la mémoire, celle-là même qu’elle avait enfouie et qui était demeurée après tant de siècles si vivace en elle… La
comtesse Bathory, Desmond ce doux jeune homme trop sensible qu’elle avait rencontré aux champs et puis sa mort en une lente agonie un jour néfaste de février… Deux ombres, entre-temps, sont
venues se loger près de Desmond et Juliette n’a nul besoin d’explication pour comprendre qu’il s’agit d’âmes errantes qui n’ont pu se départir de l’endroit de leur mort. Juliette ou Luciana, une
personne est de trop. Aussi Desmond n’a-t-il besoin que d’un baiser pour convaincre la jeune femme de son identité : Juliette est morte, longue vie à Luciana !
Isabelle entre à cet instant accompagné de Sylvie. Les deux femmes ne se sont pas donné la peine de se rhabiller : elles sont nues. Isabelle tient un revolver à la
main qu’elle fait voyager sur toute l’étendue de son corps.
– Juliette viens avec nous, on a une vue imprenable à te faire admirer ! Dit-elle d’un air menaçant et péremptoire.
Sylvie à cet instant s’aperçoit de la présence de l’oblongue silhouette de Desmond qu’Isabelle avait ignoré encore trop en proie à son plaisir.
– Qui est-ce ? demande-t-elle à Isabelle qui lui répond d’un haussement d’épaule et de ces quelques mots :
– Je ne sais pas mais on ne va pas tarder à le savoir.
– Qui êtes-vous ?
Desmond n’attendait que cela pour se retourner et offrir la vision de ses deux canines.
– Mon Dieu qu’est-ce que c’est que ça ? hurle Sylvie qui dans l’instant prend la fuite.
Isabelle, elle, est demeurée un rien en retrait. Sa voix s’est enrayée tout comme son pistolet dont le tir est demeuré muet. Rasant les murs, elle décide d’une
fuite intelligente.
Sylvie monte dans la tour poursuivie par celle que l’on ne doit plus nommer Juliette mais bien maintenant Luciana. Une fois au sommet Sylvie verte de peur avance à
reculons.
– Non ne me fait pas de mal ! crie-t-elle à la jeune femme en laquelle elle a bien du mal de reconnaître son ancienne « amie ».
Un pas plus loin et ce sera la chute.
Pendant ce temps Isabelle a rejoint sa voiture. Elle n’a pas hésité à abandonner sa complice d’autant plus qu’elle sait que l’argent est dans le coffre. La jeune
blonde s’y installe complètement nue, elle est excitée comme jamais et quand la peur se mélange à l’excitation l’orgasme n’est jamais très loin. Une fois encore le plaisir la prend d’assaut dans
un de ces moments où s’imposerait la sagesse. Mais cette fois Isabelle n’y est pour rien. N’étaient ces deux ombres, jamais elle n’aurait pensé à jouir en cet instant voué à la fuite. Toute nue
dans sa voiture qui semble foncer vers l’enfer Isabelle à la surprise de se faire baiser par d’invisibles revenants. Elle frissonne de voir ses larges seins malaxés comme du simple pouding et
semblant s’animer d’eux-mêmes. Une des deux ombres entre-temps s’est attachée à son clitoris. Isabelle jouit bientôt comme rarement auparavant.
Soudainement les protagonistes de son plaisir disparaissent comme n’ayant jamais existés et quand Isabelle porte son regard sur ce qu’il est difficile d’appeler une
route c’est pour en constater bientôt l’absence. Le vide se pose sous ses roues tel un gigantesque vertige et elle ne peut éviter de chuter avec sa voiture dans le précipice. La jeune femme se
crispe à son volant et tandis que son visage prend des allures de grimaces, elle habille une dernière fois sa bouche d’un horrible cri qui pour une fois n’en est pas un de jouissance :
Une centaine de mètres plus bas Isabelle explose avec sa voiture, quelques billets virevoltent au vent…
Les mois ont passé. Un peu comme le vin qui devient vinaigre et enfin se bonifie, la région a retrouvé une certaine prospérité touristique. Un nouveau mystère s’est
investi du paysage et attire les curieux en quête de sensations douteuses. La voiture écrabouillée en contrebas de la falaise n’a pas encore finit de déchaîner les contradictions et l’appareil
photo retrouvé au château maudit de Csejthe, d’où semblait venir la voiture, à l’autopsie n’a donné à voir qu’un superbe cul nu.
Si l’on interroge les gens du pays ils vous diront que parfois l’on voit passer, là-haut dans la montagne, un homme assez grand tenant par la taille une douce
personne. Tout juste derrière, à deux pas, les suivent deux autres femmes qui semblent n’être là que pour l’usage. Il paraît que celui qui embrase leur chemin s’expose à la morsure du vampire
mais que bien souvent tous quatre se transforment en chauve-souris – et cela le croit qui veut.
FIN
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