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Professeur Martinov 18 – L’héritage de tante Madeleine – 2 – Thérèse par Maud-Anne Amaro
Mercredi 2 septembre
Rosemonde aurait préféré prendre un rendez-vous par téléphone mais fut incapable de trouver son numéro. Elle se déplaça donc à Meudon-la-forêt, là où habitait Thérèse au sein d’une petite résidence coquette en espérant la trouver..
– Bonjour, je suis Rosemonde, ça te rappelle quelque chose ?
– On se connaît ? Répondit Thérèse, surprise et agacée par le tutoiement de sa visiteuse.
– L’institution Sainte-Razibulle, la classe de première.
– Ah ? Répondit Thérèse avec un air de s’en foutre complètement.
– C’est moi qui t’as sauvé la mise quand tu faisais de choses interdites dans le dortoir…
– Des choses interdites ? Comme vous y allez ? Ah, ça y est je vous remets, la pionne des dortoirs, ben dites-donc, vous avez changé de look !
– J’ai une information qui peut t’intéresser, c’est pour ça que je suis venue. Je peux entrer cinq minutes ?
– Une information à propos de quoi ?
– De ta tante Madeleine.
– Je ne la fréquente pas !
– Je sais ! Je peux entrer ?
– Ecoutez, on va en rester là, je me désintéresse complètement de ce qui peut arriver à ma tante Madeleine, je ne veux plus en entendre parler, c’est une personne méchante et psychorigide.
– Mais c’est un point de vue que je partage entièrement…
– Bon je vous laisse. J’ai à faire.
– Tu m’accordes deux minutes, pas une de plus pour t’expliquer l’objet de ma visite et ensuite si ça ne t’intéresse pas, je remballe et on s’oublie.
Thérèse poussa un soupir d’exaspération.
– Vite fait, alors !
– Sur le pas de la porte ?
– Oui, sur le pas de porte.
« C’est pas gagné ! » Maugréa intérieurement Rosemonde.
– La tante a refait son testament, le légataire universel est un escroc, un curé mais néanmoins escroc. J’ai un plan qui pourrait te permettre de récupérer l’héritage. Il y a plusieurs dizaines de millions d’euros en jeu…
– Entrez !
« Ah ! Quand même ! »
– Vous avez eu cette information comment ?
– Je ne peux pas le dévoiler, du moins pas pour l’instant. Euh, on peut peut-être se tutoyer ?
– Ça n’a rien de nécessaire !
« Pétasse ! »
– Et c’est quoi ce plan ?
Rosemonde lui expliqua, – en gros –
– Vous n’avez rien trouvé de plus simple ?
– Ce n’est pas compliqué, c’est complexe. Ce n’est pas la même chose.
– Si la masseuse refuse ?
– C’est le plan A, je trouverai un plan B.
– Et je suppose que je devrais monnayer vos services ?
– La moitié de votre part en ce qui concerne les comptes et les titres, ça me suffira amplement.
Thérèse faillit s’étouffer.
– Vous n’y allez pas de main morte !
– La moitié d’un héritage comme celui-ci, c’est inespéré pour toi ! Ne sois pas trop gourmande.
– Vous savez que j’ai un frère et un neveu ?
– Oui, je leur ai envoyé un mot pour leur annoncer qu’ils étaient déshérités.
– Dans quel intérêt ?
– C’est l’autre volet du plan. Ça va créer une joyeuse pagaille autour de cet héritage. Et dans cette pagaille tu auras le beau rôle.
– Hum ! Mais vous avez réussi à retrouver l’adresse de Louis ?
– Eh oui !
– Je pourrais connaître votre activité ?
– C’est trop tôt ! Quand le processus sera engagé, je n’aurais plus aucune raison de vous le cacher. Je vous communiquerais également l’adresse de votre frère si ça vous intéresse
– Il y a plus de dix ans que je ne l’ai pas vu. Quand il a avoué à mes parents qu’il aimait les garçons, mon père a piqué une crise et l’a chassé de la maison. Depuis on n’a pas de nouvelles, on sait juste qu’il est toujours en vie. J’aimerais bien le revoir.
– Ce sera bientôt possible. Et Herman, le fils de Pierre, quels sont vos relations avec lui ?
– Je ne le fréquente pas et je n’ai pas son adresse. Un drôle de type, il est aussi laid que son père était beau. Je l’ai rencontré à la cérémonie funèbre de mon frère Pierre. J’ai cru comprendre qu’il vivait avec la dernière maîtresse de son père : une superbe femme, je me demande bien ce qu’ils font ensemble ?
– Elle a peut-être des vues sur l’héritage ?
– A tous les coups ! Euh, ce curé, vous avez des précisions ?
« Tiens ! Elle devient curieuse ! »
– Je connais juste son nom.
– Dites, je connais peut-être ? J’en ai côtoyé pas mal au couvent.
– Au couvent ?
– Oui, au couvent, c’est quoi son nom ?
– Jean-Louis Billancourt, un nom comme ça !
– Ce ne serait pas Crochicourt, par hasard ?
– Oui c’est ça, Crochicourt !
– Crochicourt ! Je n’y crois pas ! Cette ordure !
Thérèse Gringola fut soudain envahie par une bouffée de haine.
– Ah tu connais ?
– Oui, hélas, il m’a… Il m’a… Comment ma tante a-t-elle pu être aussi con pour se faire embobiner par ce monstre ?
Thérèse était à présent au bord des larmes.
– C’est un être abject ! Abject ! Il m’a… Il m’a…
Thérèse fut prise d’une irrésistible envie de parler, jamais elle n’avait raconté son histoire. A qui l’aurait-elle raconté d’ailleurs ? Elle n’avait plus d’amies et ne fréquentait pas sa famille, elle avait rencontré quelques hommes à sa sortie du couvent, le dernier en date avait eu la bonne idée de l’entretenir, mais ils ne vivaient pas ensemble et elle ne lui avait jamais raconté sa vie, du moins pas les détails. Son seul compagnon était un gros matou blanc qui avait la chance de ne rien comprendre aux problèmes des humains.
– Si tu veux parler, je veux bien t’écouter ! Lui dit Rosemonde, sans doute davantage par politesse que par curiosité.
– Il m’a violé !
– Crochicourt ?
– Ben oui Crochicourt ! D’ailleurs c’est faux, il ne m’a pas vraiment violé, j’étais consentante.
– Ben alors ?
– Alors c’est un curé et moi j’avais prononcé mes vœux.
– Les vœux ?
– Ben oui, les vœux, j’étais dans un couvent !
– Ah…
– Je vais raconter :
Le récit de Thérèse
J’étais au couvent des Valentines depuis dix ans. L’abbé Crochicourt avait été choisi par l’évêque pour remplacer notre vieux confesseur qui était décédé subrepticement.
Quand j’ai découvert son visage à travers les grilles du confessionnal, il s’est passé quelque chose d’inexplicable, j’ai flashé sur son visage comme un gosse devant un gros gâteau au chocolat. C’est vrai qu’il était beau, ce con, il ressemblait à George Clloney ! Je ne me sentais plus maître de mon corps et de mon esprit. Mon sexe s’enflammait et mon cerveau s’emplissait d’images immondes à ce point que je me demandais si je n’avais pas rencontré le diable en personne.
J’aurais dû, en toute logique, lui faire part de mon trouble. Je ne l’ai pas fait, j’en étais incapable. Pour moi c’était une faute grave, la première. Il y eu d’autres.
Je me suis réveillée en pleine nuit, mon sexe coulait, l’image du père Crochicourt me hantait, j’ai tenté de lutter contre l’envie irrépressible de me masturber, mais en vain, alors je me suis donné du plaisir. Au moment culminant j’ai réussi à me coller le visage sous l’oreiller pour étouffer mes cris. Ma couche était trempée. Ce plaisir solitaire fut ma deuxième faute.
Il fallait que j’en parle à mon confesseur. J’ai mis plusieurs jours à trouver les mots qu’il me faudrait dire pour lui parler ? Et entre-temps j’ai de nouveau fait le même rêve, et mes doigts m’ont de nouveau apaisée.
– Mon père, je crois que je suis possédée par le démon.
– Allons, allons, ma fille ! Les cas de possession sont rarissimes, expliquez-moi ça en détail, voulez-vous !
– J’ai honte mon père !
– La honte, ma fille, n’a pas sa place en confession.
– Le diable m’est apparu sous vos traits, il m’a possédé physiquement et m’a fait commettre des gestes impurs.
– Quels sont ces gestes, ma fille ?
– Je me suis touché le… le…
– Le sexe ?
– Oui !
– Vous mouillâtes ?
– Pardon ?
– Votre entrejambe était-il humide ?
Je ne comprenais pas pourquoi le père Crochicourt entrait dans de tels détails sordides, mais je lui répondis par l’affirmative puisque c’était la vérité.
– Vous allez réciter un chapelet entier de « Pater Noster » et un autre d' »Ave Maria », et de mon côté je vais prier pour vous. Si le phénomène persiste, il nous faudra envisager un exorcisme.
Ce salaud savait très bien ce qu’il faisait, les prières furent évidemment inefficaces. En revanche le fait d’avoir vu de nouveau son visage dans la pénombre du confessionnal avait ravivé mon trouble.
La semaine suivante, il m’annonça qu’il viendrait dans ma cellule après les prières du soir afin de tenter un exorcisme de « premier niveau ».
Le soir venu, il vint me trouver, c’était la première fois que je le voyais en pleine lumière. J’étais subjugué par le charisme qu’il dégageait.
– Agenouillez-vous ma fille.
Il se mit à prier, en fait il faisait semblant, mais je ne m’en rendais pas compte. Puis il prit une profonde inspiration avant de me tenir des propos pour le moins étranges :
– Ma fille, les voies du seigneur sont impénétrables !
Il marqua un silence avant de reprendre.
– Ecoutez-moi bien, ma fille, car les propos que je vais tenir devant vous vont vous surprendre. Votre ordre est à vocation caritative, tous les jours vous et vos sœurs faites le bien en apportant un peu de réconfort à des malades qui sont dans la souffrance. Dans un monde où la violence et l’égoïsme règnent en maître, votre action représente une oasis de calme, de bonté, de bonheur. Et Dieu en est témoin.
Je buvais ses paroles mais me demandais bien où il voulait en venir, je n’allais pas tarder pas à le savoir.
– Et vous croyez vraiment que parce que des images sexuelles ont envahi votre âme et votre cœur que Dieu va oublier votre bonté, votre générosité ?
Oups ! Il m’avait prévenu que le propos me surprendrait mais là…
– Le tabou de notre sainte mère l’Eglise à propos du sexe est uniquement lié à des impératifs historiques. Sans cet interdit, les hommes auraient dispersé leur semence à tout va, sans se préoccuper de fonder une famille, bref la société serait devenue anarchique et sans avenir. Nous ne sommes pas ici dans à l’intérieur de ce couvent dans ce cas de figure. Aucun de ce qu’il est convenu d’appeler un écart sexuel n’est de nature à remettre en cause les fondements de la société.
J’étais dans un état de confusion mentale, d’un côté fasciné par le charisme du père Crochicourt, et de l’autre ébranlé par l’anticonformisme absolu de ses propos.
– Sans doute vous choquerais-je, mais j’aurais presque tendance à dire, ma fille, continua-t-il, que si vous avez des pulsions sexuelles, autant les assumer. Dieu ne vous en tiendra pas rigueur, croyez le bien.
Je cru réaliser alors ce qu’il voulait ! Je devins blême, me demandant si ce n’était pas Satan lui-même qui était devant moi en ayant pris les traits du confesseur.
– Mais, mes veux de chasteté ? Parvins-je à articuler.
– Mais ma fille, ces vœux internes à l’église ont aussi une raison historique. S’ils n’avaient pas existé, tout le monde aurait voulu se faire prêtre, moine ou bonne sœur. Rendez-vous compte, l’absence de vœux de chasteté, c’était la permissivité, l’autorisation de forniquer sans l’obligation de fonder une famille. Et puis il aurait fallu gérer les grossesses et les naissances. En fait des débordements ont eu lieu, rares sont les couvents qui ne possédaient pas leur petit cimetière secret où l’on se débarrassait des cadavres des nouveau-nés. Mais ma fille, nous ne sommes plus dans ce contexte. Le comprenez-vous ?
– Je ne sais plus… Bafouillais-je.
– Réfléchissez, priez et je reviendrais demain. Je vous conseille aussi de relire les évangiles. Nulle part vous n’y lirez une quelconque allusion aux vœux de chasteté.
J’ai fait ce qu’il m’a conseillé, j’ai prié avec toute la ferveur dont j’étais capable, j’ai feuilleté les évangiles, j’étais complètement paumée et le visage du prêtre continuait de me hanter.
Le lendemain, il vint me visiter à la même heure, il me demanda dans quel état d’esprit je me trouvais, je lui répondis qu’il n’avait pas évolué depuis la veille.
– Alors ma fille, il faut soigner le mal par le mal et ce sera d’autant plus facile que ce mal n’en est pas un.
– Pardon mon père, je ne comprends pas.
– Déshabillez-vous ma fille, agenouillez-vous et priez.
– Que je me déshabille ?
– Oui, nous allons exorciser tout ça ! Mais ce ne sera pas un véritable exorcisme, vous n’avez aucun diable à chasser, juste un désir innocent à assouvir sans que Dieu n’y voie malice.
Comme dans un état second, je me suis mise nue, complétement nue, j’ai juste conservé ma cornette, et le père Crochicourt s’est déshabillé à son tour. C’était surréaliste, le confesseur à poil, sa bite raide comme un bout de bois et moi en face me demandant ce qu’il fallait faire. J’étais comme dans un rêve.
Réminiscence
(Nous relatons ici le marché de dupe vécu par Thérèse avant de quitter le couvent ainsi que quelques commentaires. Certains détails particulièrement crus ou intimes n’ont été révélés à Rosemonde que bien plus tard.)
– C’est impressionnant ce que vous avez là !
– Ça te plaît ?
– Je ne sais pas !
– Mais ça ne te déplait pas ?
– Non, pourquoi cela me déplairait-il ?
– Tu en avais déjà vu ?
– De quoi ?
– Des hommes nus !
– En statues aux Tuileries ou à Versailles, mais ce n’est pas aussi gros !
Je n’allais tout de même pas lui confier que j’avais feuilleté quelques revues pornos pendant mon adolescence.
– Ce n’est gros que quand le désir s’en mêle.
– Pourquoi parlez-vous de désir ?
– Je ne parlais pas de moi, je parlais en général.
– J’aimerais tout de même savoir…
– Que voulez-vous savoir ?
– Ce que vous allez me faire !
– Vous introduire !
– Vous allez me mettre votre machin dans mon truc !
– C’est fort imagé, mais c’est à peu près ça !
– Mais ma virginité ?
– On n’y touchera pas.
– Mais alors ?
– Je m’introduirais un peu plus bas !
– Dans mon, dans mon…
– Dans votre orifice anal, c’est tout à fait cela !
– Et c’est un exorcisme ?
– Ça s’y apparente !
– Mais cette sorte d’exorcisme est décrit quelque part ?
– Oui ma fille, dans les livres secrets des confesseurs.
– Ils disent de faire ça ?
– Oui ma fille, j’ai relu ce passage ce matin même et j’ai prié pendant deux heures. Malgré toute l’attention que je porte à votre cas, je n’ai pas que ça à faire. Cessons donc de discuter et laissez-vous faire. En position, s’il vous plait !
– Quelle position ?
– En levrette !
– Pardon ?
Il m’expliqua, je relevais mon croupion, il me bâillonna…
– C’est juste une précaution, il est possible que vous poussiez des cris, inutile d’inquiéter tout le couvent avec ces coquecigrues !
– Ces quoi ?
– Je vous prêterai un dictionnaire, pressons-nous, je vous prie.
Il me lubrifia l’anus avec je ne sais quoi et me pénétra.
Mon cul n’était pas vierge, je m’étais déjà introduit quelques carottes, des gros feutres ou manches de tournevis, j’aimais bien. Mais là c’était différent, non seulement c’était plus gros, mais il m’imposait son rythme.
Je ne pouvais crier, heureusement l’affaire fût vite conclue, il se retira, s’essuya la bite et me demanda de me rhabiller, en fit de même et m’invita à prier à ses côtés. Je me souviens avoir eu le derrière tout poisseux, c’était le sperme du curé qui s’écoulait de mon trou.
Il aurait quand même pu me passer un kleenex !
– Et maintenant prions !
Malin, le curé ! Le fait de prier m’empêchait de penser. Un quart d’heure après, il me laissa seule et me demanda de continuer à prier.
Je ne le fis pas et fondit en larmes.
Je n’ai pas dormi de la nuit. En fait l’expérience avait, physiquement parlant, été juste un peu douloureuse, mais je n’arrivais pas à comprendre ce qui m’était arrivé vraiment. Je me posais mille questions : Possédée par Satan, embobiné par le père Crochicourt, à moins que celui-ci ait raison. Je décidais donc d’en référer à la Mère Supérieure.
Elle m’écouta, son visage revêche complètement fermé.
– Est-ce qu’il vous a violé ?
– C’est-à-dire ?
– Il faut vous faire un dessin ? Est-ce qu’il vous a obligé à faire ce que vous prétendez qu’il vous a fait ?
– Non !
– Donc vous étiez consentante ! Alors de quoi vous plaignez-vous ?
– J’étais dans un état second…
– Vous attendez quoi de ma part ?
– Mais, une telle attitude de la part d’un prêtre…
– Vous avez été assez idiote pour gober ses boniments, vous n’avez qu’à vous en prendre qu’à vous-même.
– C’était donc des boniments ?
– Vous auriez voulu que ce soit quoi d’autre ?
– Satan ?
– Ben non, ce n’est pas Satan.
– Que va-t-il se passer maintenant ?
– Je ne pense pas avoir à vous informer des décisions que je prendrais, l’entretien est terminé.
– Mais…
– L’entretien est terminé ! Répéta-t-elle, imperturbable.
Thérèse allait passer la porte quand la supérieure la rappela :
– Juste un mot ma fille, pour alimenter vos réflexions. En ce moment l’église traverse une grave crise morale et les médias infiltrés par les athées ne nous font pas de cadeaux. Il n’empêche que de nombreux prêtres incapables de gérer leur sexualité ont commis des actes impardonnables aux yeux de l’église et de la loi. Le père Crochicourt ne fait pas partie de ces brebis égarées, en vous faisant commettre le péché de chair, il s’est évité d’en commettre un bien plus grave encore. C’est un être humain, il n’est pas parfait, moi non plus et vous encore moins, disparaissez, cette fois ! Et allez prier ! Vous êtes en état de péché mortel.
Le comble ! C’était moi, la salope ! Et j’avais la rage de m’être fait posséder comme une bleue. J’attendais avec impatience le jour de la nouvelle confession, persuadée que la Mère Supérieure aurait obtenu de l’évêque la désignation d’un autre confesseur, c’était, estimais-je, le moins qu’elle devait faire.
Et quand le jour dit, je me suis retrouvée dans le confessionnal, nez à nez avec le père Crochicourt, je suis partie sans un mot, j’ai été récupérer mes rares affaires personnelles dans ma cellule et me suis retrouvée dehors sans un sou, sans travail, sans logement.
J’ai fait de l’auto-stop jusqu’à Paris et me suis présentée au domicile de ma tante Madeleine, J’étais toujours en habit de bonne sœur avec ma cornette. Je pensais qu’elle pourrait m’héberger quelques jours, le temps que je me retourne.
Elle m’a accueilli, on va dire normalement sans effusion particulière, elle m’a embrassé, puis m’a fait assoir, j’étais là devant elle, je ne savais pas trop par où commencer et mon regard s’est posé sur la table où un petit tableau qui manifestement venait de lui être livré était en attente de trouver sa place. La signature du tableau m’amusa, il y était indiqué Tabouret, comme un tabouret. (Détail insignifiant mais qui aura son importance par la suite.)
J’ai ensuite pris mon courage à deux mains pour lui annoncer que je venais de me défroquer. Ça l’a mise dans une rage folle, elle m’a traité de tous les noms et m’a chassée sans que je n’aie pu avoir la possibilité de pouvoir m’exprimer.
Je me suis débrassée de ma cornette et de mes bondieuseries. J’ai erré sans but, l’idée du suicide m’a effleurée mais je n’eus pas le courage de concrétiser. Je me suis endormie sur un banc public, le SAMU social m’a ramassé et on m’a donné des vêtements « civils » et on m’a nourri.
Le lendemain, suite à un concours de circonstances, je me suis retrouvée à Lyon.
J’ai fait la manche jusqu’à ce que j’aie assez de sous pour m’attabler dans un bar, je me suis dit que n’étant pas plus moche qu’une autre, quelqu’un pourrait s’intéresser à moi. Peut-être une femme, une brave femme. Quand on est naïve…
J’ai vite déchanté quand j’ai vu les types qui me lorgnais. J’ai alors compris quel serait le prix à payer mais je m’en foutais. Quand même, perdre son pucelage dans de telles conditions… Je passe… Bref, là-bas on m’a donné une adresse, c’était un proxénète, il m’a fait travailler huit jours, et puis quand je lui ai dit que je voulais arrêter, il ne m’a pas retenu, il m’a juste flanqué trois baffes. Je suis rentrée à Paris, j’ai erré de mecs en mecs pendant une année, avec le temps ma situation s’était un peu améliorée, je pouvais me faire plus coquette et fréquenter des endroits mieux famés. Je squattais un appart délabré avec une collègue, on avait rendu l’endroit un peu vivable.
Un jour, Lucien un type avec une bonne situation, m’a proposé de me prêter sa garçonnière dont il ne se servait plus, en échange je couchais avec lui une nuit par semaine. Pour m’occuper je me suis lancée dans la peinture sur soie, j’ai eu l’idée de faire de faux tissus tibétains, le type m’a fourni le tissu et la peinture et m’a acheté un ordinateur. Je me suis mise sur Internet, ça marche très bien, quant à mon bienfaiteur, je ne couche presque plus avec lui, il m’a trouvé cet appart à Meudon mais je lui règle un loyer mensuel symbolique. Parfois je sors avec lui… au restaurant, au théâtre, je lui dois bien ça.
Fin du récit de Thérèse
– Voilà, c’est un peu sordide n’est-ce pas ? Je vous remercie de m’avoir écouté, j’avais besoin de parler, je ne sais pas pourquoi je vous ai raconté ça à vous, après tout on ne se connaît pas ?
– Si ça t’a fait du bien de parler, c’est le principal, non ?
– Mwais, tout ça pour vous dire, que je me sens vachement motivée pour empêcher Crochicourt de toucher l’héritage. Bon on va se tutoyer puisque tu as l’air d’y tenir. Tu veux un Martini, je n’ai rien d’autre ?
Thérèse en versa une grande quantité dans le verre de Rosemonde.
– Ola ! Pas tout ça ! Je vais être pompette !
Après avoir trinqué, Rosemonde, ajouta l’air de rien :
– On va peut-être formaliser, tout ça, j’ai ta parole mais bon autant faire les choses dans les règles, on va faire un petit papier. Voilà le modèle tu n’as qu’à recopier.
Thérèse lut :
« Je soussigné Thérèse Gringola… m’engage par la présence, au cas où je toucherai tout ou partie de l’héritage de Madeleine Mornay-Sauvignac, à verser 50 % à Rosemonde de la Roche Limée… »
– Tu veux que je signe ça ?
– Ben oui, pour que nous réussissions je vais être obligée d’avancer de l’argent, il me paraît normal de prendre une garantie.
– Je peux réfléchir ?
– Bien sûr !
« Réfléchir à quoi ? A tous les coups elle va me dire que ma part est trop grande. Je m’y attendais, mais bon faudrait pas que ça dure des heures non plus, sa réflexion ! »
– Encore un peu de Martini ?
– Juste un fond !
– Je peux te poser une question ?
– Dans le dortoir t’avais vu quoi au juste ?
– Je t’ai vu sortir de ton lit et te faufiler dans celui de Sophie.
– Sans lumière ?
– C’était la pleine lune et les persiennes fermaient mal. Et en plus vous n’étiez pas trop discrètes.
– Ça t’excitait ce qu’on faisait ? Demande Thérèse.
– Je suis obligée de répondre ?
– Non !
– Mais j’y répondrais si tu réponds à ma question : pendant toutes ces années de couvent, tu n’as jamais pensé au sexe ?
– Si au début ! Mais après je me suis calmée ! Pas trop envie de raconter ça maintenant, c’est un peu intime.
– Je te comprends mais passer d’années d’abstinence à… bon parlons d’autre chose.
– A quoi ? T’allais dire quoi ? Quel mot ? Pute ? C’est ça ?
– Non, non !
– Mais si ! Mais j’en ai aucune honte, je ne suis pas une pute, mais j’ai fait la pute et si je dois un jour recommencer, ce ne sera pas un problème ! T’es contente ?
« Oh, lala ça tourne mal, si on se chamaille, elle ne va jamais me le signer mon papelard ! »
– Mais je ne voulais pas te froisser ! Je ne te juge pas. Pas du tout ! Je m’étonnais simplement d’un changement aussi radical.
– Je vais t’expliquer mieux ! Quand ma tante m’a jeté en sortant du couvent, je n’avais pas un sou, pas d’amis, pas d’endroit où aller. Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Mendier ou faire la pute ? J’aurais été moche, j’aurais mendié, mais il parait que je ne suis pas si moche que ça !
– Tu es très belle, je trouve !
– Maintenant, je ne me plains pas, tu m’aurais vu en sortant du couvent, les cheveux coupés n’importe comment, la tronche pas maquillée, la peau pas entretenue, une horreur ! En fait j’ai eu de la chance de rencontrer des mecs relativement corrects, surtout Lucien, le dernier, je m’en rends compte maintenant avec le recul. Dans les clients des putes, il y a des connards, mais il aussi des mecs biens.
– Je vois ! Répondit Rosemonde un peu larguée.
– Tu te rends compte, je me suis fait dépuceler derrière par un curé libidineux et devant par un alcoolo qui puait la bière !
– Humm…
– Tu sais, j’étais un peu conne à ce moment-là, je pensais rencontrer une femme qui me paierait. J’ai vite déchanté, dans les bistrots de nuit, il n’y a que des hommes… On rencontre bien quelques bonnes femmes, mais ce sont des épaves.
– Les hommes, c’est pas ton truc, alors ?
– Je n’ai rien contre mais c’est pas pareil, il n’y a pas cette complicité, cette tendresse…
Alors Rosemonde se dit qu’elle avait peut-être un truc à tenter…
à suivre..
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