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Déclaration des droits des citoyennes du Palais Royal
par un anonyme du 18ème siécle
En septembre 1789 paraissait ce texte dû à un humoriste de l’époque, mais qui, de nos jours, n’a pas perdu tout intérêt.
(A l’époque, le quartier du Plais Royal était un haut lieu de la prostitution)
Les citoyennes du Palais Royal constituées en Assemblée souveraine et législative (en effet, ne font elles pas la loi aux hommes ?), considérant que l’Assemblée nationale de Versailles acharnée à extirper les abus de toute espèce, et surtout étant sur le point de supprimer les moines, peut bien juger à propos de supprimer les filles, arrêtent et décrètent les articles suivants:
I. Les femmes naissent égales aux hommes et libres comme eux. Si elles naissent libres, elles doivent rester libres jusqu’à leur dernier soupir.
II. La liberté entraîne la propriété de sa personne. Elles peuvent donc faire de leur personne ce qu’elles jugent à propos.
III. Les hommes étant déclarés libres par l’Assemblée nationale, ils peuvent conséquemment faire à peu près ce qu’ils veulent, pourvu toutefois que leurs actions ne soient point contraires à la loi, qu’ils ne troublent point l’ordre établi et ne nuisent à personne : s’il est libre aux hommes d’aller chez les femmes, il doit être libre aux femmes de les recevoir.
IV. Les citoyennes du Palais Royal pourront à l’avenir, comme elles l’ont fait par le passé, se promener dans toute l’étendue du jardin, aller, venir, étaler leurs grâces, dévoiler leurs appâts aux yeux des hommes qui les convoitent, et cela sans causer de scandale, bouder les uns, agacer les autres, et aller souper avec tout le monde.
V. L’Assemblée nationale ayant aboli les jurandes et maîtrises, l’Assemblée législative des citoyennes du Palais Royal abolit pareillement les rétributions qu’elles ont été obligées de payer jusqu’ici à la police.
VI. Dès qu’une femme publique devenue particulière aura trouvé un homme qui l’entretiendra d’une manière sinon fastueuse, du moins honnête, elle ne pourra avoir un second amant, à moins que ce soit par amour et non par avarice. La pluralité des bénéfices est défendue lorsque le revenu de ces bénéfices excédera la somme de 1500 livres.
VII. On ne peut ni commander ni défendre l’amour ; mais la loi peut restreindre un commerce de plaisirs où l’attrait de la fortune à la fois, et de la volupté, entraîne les femmes de tous les rangs et de toutes les classes.
VIII. Toute citoyenne, aux restrictions près que peut y apporter la loi, a le droit d’exposer ses appâts partout où bon lui semble, d’acquérir des grâces, de trafiquer de ses charmes, de faire un commerce aussi agréable que lucratif, et d’employer ses facultés et ses talents à ses plaisirs et à sa fortune.
IX. Ainsi, libre dans sa personne, elle peut se vendre ou se donner à celui qui lui plaît davantage ou qui paie le mieux.
X. Ainsi, libre dans ses actions, elle peut aller courir, souper, coucher chez qui lui plaît, faire son commerce dans tel quartier de Paris, dans telle ville du royaume qu’elle voudra.
XI. Si les femmes sont nées égales aux hommes, elles sont à plus forte raison égales entre elles. Ainsi le préjugé qui les avilit n’existera plus désormais, nulle profession agréable ou utile n’emportera dérogeance.
XII. Tous les citoyens de quel rang, de quel sexe qu’ils soient, sont donc égaux. L’égalité civile consiste à n’être soumis qu’à la loi, et à pouvoir
également réclamer sa protection.
XIII. Comme les citoyennes du Palais Royal tiennent leur bien du public, elles contribueront aux charges publiques en raison de leur fortune actuelle.
XIV. La loi est l’expression de la volonté générale; nul ne peut faire ce qu’elle défend, ni être forcé de faire ce qu’elle n’ordonne pas. Ainsi toute femme publique étant libre d’exercer sa profession, est libre aussi de la quitter, sans qu’aucun homme ait le droit de la forcer à se rendre à ses désirs.
XV. Mais la loi ne peut être juste et bonne qu’autant qu’elle est faite à l’avantage de la société, sans contrarier la nature; la loi doit donc protéger une profession où mène le voeu de la nature, et qui est aussi utile qu’agréable à la société.
L’Assemblée, après avoir entendu la lecture, voulut qu’on discutât les différents articles. Alors Mademoiselle A… se leva et attaqua vivement l’article VI. Mademoiselle A… est entretenue par un F… et un riche B… de la rue Saint Honoré. Elle était intéressée à l’article et elle voulait le faire supprimer ou du moins l’adoucir par des amendements. On alla aux voix, et l’article resta tel qu’il était.
Mademoiselle R… voulut qu’on ajoutât à l’article VII, la défense aux femmes mariées d’empiéter sur le commerce des femmes publiques; mais après bien des débats il fut décidé qu’on laisserait ce soin à la puissance exécutrice des maris.
L’article XIII a été le sujet de beaucoup de débats. Ce n’est pas qu’aucun des honorables membres refusât de contribuer aux impositions communes; mais serait il facile d’apprécier au juste les revenus annuels de chacun? le champ de la galanterie a ses bonnes et ses mauvaises années. Quel impôt asseoir sur une fortune aussi précaire et aussi fugitive? On discuta longtemps, et après bien des débats, on décida que l’impôt serait réglé sur le ton, l’élégance, le costume et les ameublements de la personne.
Divers autres articles furent soumis à un examen aussi sévère; mais ils obtinrent enfin la pluralité des voix, et ils furent aussitôt décrétés en ces mots.
L’Assemblée reconnaît et déclare les droits ci dessus des citoyennes du Palais Royal, et les met sous la sauvegarde des lois et de la nation. Elle lance toutes les foudres de sa colère sur ceux qui voudraient y porter atteinte, et déclare ne reconnaître aucun veto qui pût les anéantir
Texte_sans_signature Référence Bibliothèque Nationale : Anonyme : Déclaration des droits des citoyennes du Palais Royal, s.l. ,n.d. [septembre 1789]. B.N. : 8° Lb39 7676
Nos remerciements à Lena qui nous a permis de découvrir ce texte
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