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Chanette 7 - Pho, la cambodgienne par Chanette – 1 – Gauthier-Normand

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Introduction

Et soudain, Pho, fit irruption dans ma vie ! Je n’avais rien de spécial à faire ce matin-là, c’était la période où j’avais commencé à espacer mes rendez-vous avant mon éventuelle « retraite ». Je n’étais pas au studio, j’étais chez moi. Et voilà qu’arrive un petit bout de femme avec des yeux malicieux attifée n’importe comment d’un short d’homme et d’un tee-shirt quatre fois trop large, mais aussi gracieuse que peuvent l’être parfois les Asiatiques (pas tout le temps, pas tout le temps…)

 

– Mais enfin que voulez-vous ?

– Je viens solliciter votre protection me répondit-elle, les yeux implorants.

– La protection de quoi ?

– On me poursuit ! On veut me tuer !

– Mais qui ?

– Hua et son frère, mais aussi Guido et Max le dur.

– Hein ? Quoi ? Mais qui sont tous ces gens ?

 

Le nom de Hua m’évoquait vaguement quelque chose, mais les autres…

 

– Des tueurs ! Des sales tueurs !

– Bon, reprenons, on ne va pas y arriver sinon ! Déjà, qui vous a envoyé chez moi ?

– Monsieur Henry !

– Quel Monsieur Henry ? Celui qui habite rue de Chaville ?

– Oui !

– Bon, je l’appelle !

– Non !

– Quoi, non ?

– Il est parti !

– Il est parti où ça ? Il a son téléphone, non ?

– Non, il a pris l’avion !

– Ecoutez, il faudrait peut-être vous calmer, on ne tue pas les gens comme ça à ce que je sache, alors vous allez gentiment me raconter votre histoire et après on avisera…

 

C’est à ce moment-là que pour tout simplifier, Pho choisit d’éclater en sanglots.

 

– Je vais vous chercher un verre de flotte, à moins que vous ne préfériez de l’alcool ?

– Non de l’eau !

– Bon, et puis arrête de chialer, t’es moche quand tu pleures !

– Je n’ai rien apporté, je n’ai rien pour me changer, je suis venue comme ça… c’est terrible !

 

Les gens sont extraordinaires ! Il y a cinq minutes, elle me racontait qu’elle avait une demi-douzaine de tueurs à ses trousses, et maintenant elle pleure parce qu’elle n’a pas de culotte de rechange !

 

– Ecoute ma grande, t’as beaucoup de chance, je suis de très bon poil ce matin, sinon je t’aurais déjà jeté. Alors tu vas me raconter très calmement ce qui t’es arrivé et en commençant par le commencement !

– Je me suis évadée de chez Franceschetti ! C’est la deuxième fois, la première fois Guido m’a rattrapé, et ils m’ont à moitié déglingué. Ils m’ont dit que si je recommençais, ils me tueraient, alors…

– Stop ! On ne va pas y arriver ! Qui c’est, Franceschetti ?

– C’est le mec qui m’a racheté quand Gautier-Normand m’a revendu aux frères Hua !

– Qui c’est Gautier-Normand ? Ecoute pour la dernière fois, je veux que tu commences par le début. Tu comprends cela, le début ? Tu me fais un récit chronologique et à chaque fois tu m’expliques qui sont les gens dont il est question ! D’accord ?

– Je vais essayer !

 

Le récit de Pho

 

Raconter mon histoire, elle en a de bonnes, Chanette, comme si c’était facile, comme si c’était nécessaire, on me poursuit, on en veut à ma peau. L’urgence c’est qu’elle essaie de me protéger, le reste n’a pas beaucoup d’importance. Mais puisqu’il le faut…

 

Je m’appelle Pho et le reste de mon nom importe peu. Je suis de nationalité cambodgienne, mais d’origine chinoise, je parle parfaitement le Français, l’Anglais et bien sûr le Mandarin.

 

J’étais un bébé quand mon pays fut traversé par l’une des plus dramatiques tragédies que le monde ait connues. Les Khmers rouges débarquèrent un beau jour et furent accueillis en libérateurs, ils tuèrent de sang froid quelques semaines plus tard 3 millions et demi de personnes (plus du tiers de la population), photographiant sadiquement chaque victime avant de l’abattre comme un chien. Et tout cela sans réaction trop virulente de ce qu’il est convenu d’appeler l’opinion publique internationale. Toujours est-il, que les trois quarts de ma famille furent décimés au cours de cet insoutenable drame. Une tante réussit à nous faire passer en Thaïlande, c’est là que j’ai poursuivi mes études et que j’ai obtenu un diplôme d’histoire de l’art.

 

Après la chute des Khmers rouges, et la destruction du mur que ces tarés avait construit à la frontière, nous avons souhaité retourner dans notre pays. Mais nous sommes arrivées dans un pays dévasté où malgré l’accord de paix ça se battait dans tous les coins entre factions rivales et nous avons été capturées. Nous avons eu la chance inouïe d’être libérées par un maquisard qui nous a indiqué qu’il pourrait nous faire passer de nouveau en Thaïlande. Nous ignorions que le prix à payer pour cette évasion serait celui de nos corps. Nous n’avions plus aucun papier et la police locale n’avait pas l’intention de faire quoique ce soit. Légalement nous n’existions plus. Nous avions, certes, la vie sauve, mais nous n’étions plus que du bétail. Nous avons été dispersées dans différents bordels de Bangkok.

 

J’ai failli déprimer… Mais je me suis reprise ! Ce n’était pas mon genre. J’ai vite compris que ma seule chance d’en sortir était de faire semblant d’accepter le système, d’endormir la vigilance de mes exploiteurs, d’attendre l’occasion. Sinon j’ai tout accepté ou presque, mais j’ai eu la force de caractère de refuser toutes relations non protégées.

 

Quant à l’occasion attendue, elle ne s’est jamais présentée !

 

Très rapidement j’ai eu la révélation de ma nature profondément masochiste. Je fus donc vite « réservée » aux clients qui recherchaient des relations carrément sadiques. Ça allait parfois assez loin, et n’avait pas grand-chose à voir avec le SM. Le confort et la sécurité de la fille, les clients n’en avaient rien à foutre et sa souffrance non plus. Ça devenait extrêmement dangereux. Les accidents étaient relativement fréquents, parfois très graves et quelquefois mortels. C’est alors que j’ai pensé à m’enfuir.

 

Je n’en ai pas eu le temps !

 

Un homme avait repéré ma « paraît-il » énorme faculté à encaisser les coups et à supporter les situations contraignantes Il s’agissait du cadet des frères Hua, le pire sans doute, un infâme salopard ! Il m’a fait subir une séance au cours de laquelle il a fait semblant de me respecter, et m’a dit que je ne pouvais rester ici. Et il m’a proposé de me faire venir en France ! Ça m’embêtait de laisser tomber mes sœurs qui étaient je ne sais trop où, mais il me persuada qu’une fois ma situation régularisée, je pourrais justement revenir en toute quiétude m’en occuper. Alors j’ai sauté sur l’occasion ! Conne que j’étais ! J’ignorais à ce moment-là que je n’étais que l’objet d’une transaction. De toute façon j’aurais refusé, il m’aurait embarqué quand même !

 

Il est relativement facile d’entrer en France sous une fausse identité. Le problème c’est qu’une fois entrée vous n’êtes plus rien, une fois de plus.

 

Ça veut dire que si un jour quelqu’un vous crève, l’affaire sera vite classée ! Vous comprenez cela ?

 

Comme une fêlée, je m’étais figurée que le cadet des Hua était tombé amoureux de moi. Tu parles d’un amoureux, Il faisait son marché, il faisait ses courses.

 

« Ou vas-tu cadet ? » « Je reviens, Maman, je vais juste à Bangkok faire quelques achats ! » Pourriture ! Va !

 

Il m’a juste foutu la paix deux ou trois jours pour que je reprenne un peu de poids, que je me détende un peu, que je finisse aussi de cicatriser quelques bobos… oui ça aussi ! Et il m’a revendu à monsieur Jean-Luc Gautier-Normand.

 

Eh oui, une branche « bâtarde » de l’une des plus grosses fortunes de France.

 

Ce mec est un peu bizarre ! Depuis la mort accidentelle de sa femme, ses instincts sadiques se sont réveillés. Il possède à demeure un cheptel d’esclaves qu’il passe son temps à humilier et à maltraiter. On m’a expliqué que les filles étaient consentantes, mais je ne sais pas si vrai.

 

Mais je vais vous dire deux choses qui vont vous faire hurler :

 

La première c’est que malgré la souffrance et la contrainte, j’ai connu l’apaisement chez Gautier-Normand. Je n’avais plus peur. Malgré son sadisme, il ne dépassait pas certaines limites et ma vie n’était plus en danger. Du moins c’est l’impression que j’en retirais !

 

Et la deuxième, c’est que, j’ai peine à le dire, j’étais… tombée amoureuse de ce type, un amour impossible, un amour sans retour, une véritable expression de mon masochisme morbide.

 

J’ai même commis la folie d’essayer de lui faire comprendre quels étaient les sentiments que j’éprouvais à son égard, je me suis ridiculisée et n’en parlerais pas davantage.

 

J’ai une certaine philosophie de la vie et je sais que les choses ne sont jamais statiques :

 

– Un jour, il se passera forcément quelque chose ! Me disais-je.

 

Le problème c’est que ces « choses qui arrivent » ne sont pas forcément celles auxquelles on pense.

 

J’ai longtemps été la « favorite » de Gautier-Normand. J’en éprouvais une certaine fierté, même si physiquement la chose était pénible.

 

Parfois, mon maître me trimbalait dans des espèces de soirées parisiennes, où l’espace d’un soir, on s’échangeait des esclaves. J’y ai vite rencontré un certain succès, sans doute grâce à mes exceptionnelles qualités d’endurance. C’est au cours de l’une de ces parties que j’ai rencontré Monsieur Henry. On s’est amusé tous les deux de façon très décontractée.

 

– C’est qui ton maître ?

– Maître Jean-Luc Gautier-Normand !

– Ma pauvre fille !

– Je ne suis pas une pauvre fille ! Je suis fière d’être son esclave ! Très fière même !

– Oui, bon ! Crois ce que tu veux, mais si un jour tu es vraiment dans la merde, et que tu ne sais pas où aller, retiens mon adresse, elle est facile à apprendre.

– Je n’en aurais pas besoin ! Au revoir Monsieur !

 

Je l’avais néanmoins retenu, presque malgré moi !

 

Un jour, une nouvelle fille est arrivée, une petite Ethiopienne très fine. Elle m’a remplacée dans les préférences de mon maître. J’en ai été profondément humiliée. Et là, pour le coup, mon masochisme cérébral ne fonctionnait plus. L’Ethiopienne à chaque fois que j’avais l’occasion de lui balancer une vacherie, je n’hésitais pas. Je ne me reconnaissais plus, moi qui cultivais des valeurs de partages, d’écoute de l’autre, de solidarité, je devenais une véritable teigne !

 

Cela a précipité ma chute !

 

Gautier-Normand m’a revendu aux frères Hua, j’ai eu droit à quelques corrections d’usages, mais je m’en fous, je les emmerde !

 

Et puis ils m’ont revendu à Franceschetti.

 

Alors, chez celui-là c’est l’enfer ! C’est pire qu’à Bangkok ! C’est un ancien truand ou un ancien militaire, à moins que ce soit un mélange des deux. Il est à la retraite. C’est un sadique malsain, violent, alcoolique, incontrôlable, avec des colères terribles.

 

Ce cinglé allait trop loin. Non seulement les séances étaient à la limite du supportable, mais il trouvait malin d’aller jusqu’à des simulacres d’exécution par noyade, par pendaison ou par électrocution. Mais le plus terrible c’est quand il s’amusait à jouer avec les chiens… Il vivait entouré de clébards. Je n’aime pas les chiens, j’en ai peur. C’est viscéral. Je préfère ne pas épiloguer sur ce point. Un fou vous dis-je ! Un cinglé ! Un psychopathe en liberté !

 

Je me suis évadée. Je me suis demandé d’ailleurs si ce salopard n’a pas tout fait pour que je m’évade, histoire de me rattraper tellement ça a été facile. Oh ! Je ne suis pas allé bien loin ! Je n’ai même pas réussi à franchir la grille d’entrée de la propriété. J’ai été rattrapée par les clébards. Ce connard a dressé ces molosses à immobiliser pendant des heures les victimes qu’ils reprennent. Jamais je n’ai eu aussi peur. Je croyais qu’ils allaient me bouffer. Ils étaient énervés. Je sentais leur haleine dégueulasse sur moi. Ça a duré, ça a duré, je croyais que j’allais devenir folle. Ce que m’a fait subir Franceschetti après, a été terrible, mais sans doute pas autant que la présence de ses infectes bestioles !

 

La deuxième fois, j’ai foncé sans réfléchir, j’avais pris l’habitude quand les fantaisies de l’autre cinglé allaient trop loin de faire semblant de tomber dans les pommes. J’étais dans le parc, personne à côté de moi ! Une bagnole à quelques mètres, portière ouverte d’où venait de descendre je ne sais qui ! J’ai foncé, la grille n’était pas refermée. Une chance ! Je me suis retrouvé avec Guido, son garde du corps à mes trousses.

 

J’ai foncé comme une dingue, à poil au volant. Arrivée à la gare de Massy Palaiseau, je me suis enveloppée dans une couverture de voiture, et j’ai foncé les pieds nus dans un train qui allait partir, je me foutais de sa direction. Je suis monté dedans. Au moment du départ, j’ai aperçu Guido qui réussissait à grimper mais pas dans la même voiture. Les gens me regardaient, devait se dire que j’étais une folle évadée d’un asile. Je m’en foutais ! Pourquoi se permettraient-ils de me juger sans savoir ce que j’avais subi ? J’ai réussi à feinter Guido en descendant au dernier moment de l’avant dernière station. Puis, je me suis fait prendre en stop par un routier, il croyait que j’étais une pute, je lui ai expliqué brièvement que j’étais séquestrée et que je m’évadais sans rentrer dans les détails. Il a été très correct, ne m’a pas touché, ne m’a fait aucune proposition salace et c’est lui qui m’a refilé les fringues que je porte. Ça m’a fait du bien de trouver quelqu’un d’un peu humain… Il rentrait chez lui, habitait seul et m’a proposé de m’héberger pour la nuit ! J’ai accepté ! J’étais en sécurité, personne ne pouvait me dégotter. Il m’a abrité une journée entière. Il n’osait pas me toucher, je me serais pourtant laisser faire, ça ne m’aurait pas déplu de me faire chouchouter, mais je n’ai jamais été habitué à faire le premier pas…

 

Je ne voulais pas abuser de son hospitalité, et lui il fallait qu’il reprenne son travail, alors, le lendemain il m’a conduit chez monsieur Henry.

 

Mais les choses ne peuvent décidément pas être simples, Monsieur Henry avait entre-temps reçu de la visite et craignais pour ma sécurité.

 

On a supposé, (on est sûr de rien) que les choses se sont passées comme cela : Guido se demandant chez qui je pouvais bien trouver refuge demanda dans un premier temps aux frères Hua, qui n’en savaient fichtre rien, mais trouvèrent intéressant de se mêler à la curée, et balancèrent les coordonnées de Gautier-Normand. Il se trouve que ce dernier était au courant de la proposition de protection que m’avait fait Monsieur Henry (sans doute était-il non loin de moi, à cette soirée lorsqu’elle avait été formulée ?). Ce dernier envoya donc Max, le dur, son homme de main à mes trousses.

 

On peut bien sûr supposer que le temps passant, le Guido deviendra de plus en plus pressant auprès des frères Hua et de Gautier-Normand afin de leur arracher à sa manière tout renseignement susceptible de le remettre sur ma piste !

 

J’avais donc eu la chance incroyable de ne pas arriver trop tôt chez Monsieur Henry. Max le dur s’était simplement livré à une visite des lieux, ne s’était montré ni incorrect, ni vraiment menaçant mais avait demandé à Henry de le prévenir si je me pointais, en précisant que si les autres olibrius arrivaient à faire parler son patron, les évènements pourraient alors très mal tourner.

 

Du coup, me voyant arriver, Monsieur Henry prit deux décisions pour sa sécurité et la mienne. Il prit un billet d’avion pour aller se mettre au vert quelques temps chez un ami québécois, et pour ce qui me concerne, n’arrivant pas à joindre quelqu’un susceptible de m’abriter, il choisit de me flanquer à l’hôtel pour la nuit en m’indiquant une adresse sûre où je pourrais me rendre dès le lendemain.

 

Voilà !

 

Fin du récit de Pho

 

Consolation

 

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J’étais passablement abasourdie par ce récit dingue. Mais c’est quoi ces gens ? Malheureusement je savais que Pho n’exagérait pas ! Les bordels soi-disant SM de Bangkok, ça existe ! De toute façon à Bangkok, tout existe ! Et puis les Gautier-Normand et les Franceschetti ça existe aussi !

 

Oh ! N’exagérons rien, ne mettons pas tout le monde dans le même sac, et nous aurons l’occasion de l’évoquer à nouveau. Mais que les choses soient au moins claires ! Le Sadomasochisme n’a rien à voir avec les pratiques de certains personnages. Le SM souffre en fait de l’existence de quelques individus qui en offre une image répugnante, dégradante, et fausse !

 

J’ai baigné ma vie plus de quinze ans dans le SM, le vrai ! Je l’ai fait avec passion, avec plaisir, avec volupté. J’ai toujours respecté les limites de mes soumises et de mes soumis.

 

Et puis, je n’ai jamais pratiqué le SM permanent. Une domination peut être longue, voire très longue, comprendre des périodes d’immobilisation par attachement, où même de mise en cage, mais putain comme dirait quelqu’un « Quand on a fini de jouer, on passe à autre chose ! » Le SM n’a rien à gagner à s’installer dans la durée.

 

Fin de la digression !

 

– Bon je vais te préparer à manger, ça te fera du bien et cet après-midi on ira te chercher des fringues. Je ne sais pas trop comment on va faire pour régulariser ta situation. Peut-être qu’on ne pourra pas ! On va se renseigner au consulat du Cambodge… Pho ? Ça va ?

 

La pauvre fille pleure à chaudes larmes. J’en fais quoi ? Je laisse passer le premier jet, le gros chagrin, celui contre lequel on ne peut rien, je vais chercher des kleenex (je sais, on doit dire des mouchoirs en papier). Je lui essuie le visage, du moins j’essaie, parce que je vous jure que ça coule un maximum, ça n’arrête pas, c’est pire que la fontaine de Trevie ! Son visage est beau, il est tout rond, la peau foncée, les yeux très sombres, bridés bien sûr. Ces filles-là ont un charme inné, le problème c’est qu’elles ne savent pas toutes le mettre en valeur. Elle, elle n’a même pas besoin, c’est naturel. Enfin elle me fait un sourire. Et quel sourire ! Avez-vous remarqué comme parfois un sourire pouvait éclairer un visage au-delà de l’imaginable ? Avez-vous remarqué comme parfois un sourire savait nous parler ?

 

La protection qu’elle me demandait, la souhaitait-elle si rapprochée que cela ? Il me revint alors ces paroles à propos du routier qui l’avait pris en stop. Elle avait dit qu’elle aurait aimé se faire chouchouter ! Et moi, jusqu’où étais-je prête à aller ? Je n’en savais rien ! Ou plutôt c’est mon esprit qui n’en savait rien. Ma chatte, elle, elle savait et venait brusquement de se réveiller à la simple contemplation du visage de Pho !

 

– Tu n’as rien à craindre, je vais te protéger !

 

Et voilà, c’était lâché ! Tout Chanette, ça ! La décision était prise. Sans calculer ! Sans prendre en compte l’incompressible dose d’emmerdes qui inéluctablement allaient me tomber dessus ! On verrait bien !

 

J’avais donc pour l’instant deux choses à faire, la mettre en confiance, et gérer mon excitation qui ne se calmait, mais alors pas du tout !

 

Mais voilà donc deux tâches qui peuvent parfaitement se concilier, il suffisait que Pho accepte mon baiser ! Je ne me suis en la matière que très rarement trompée. Après quelques regards échangés je sais en principe si la femme acceptera ou non !

 

A ce stade du récit, peut-être faut-il en deux phrases faire le point sur ma sexualité. Ma réputation de lesbienne fatale est complètement stupide. Je suis en fait bisexuelle, mais je ne me suis pas dans ma vie envoyé tant de femmes que ça, et j’ai sans doute couché avec plus de messieurs que de dames. Mais que voulez-vous, à chaque fois ces dernières ont été les sources de si délicieux plaisirs, de si merveilleux délires, et parfois de si étranges aventures… Sinon j’ai été mariée avec un homme adorable, compréhensif et doux. On s’est séparé ensuite pour des conneries.

 

A mon tout je souris à Pho. Nos visages sont très près l’un de l’autre. Nous nous regardons. Je m’humecte légèrement les lèvres en accentuant mon propre sourire. Son visage rayonne, sa bouche s’entrouvre. Mouvement de la tête de Pho…Et c’est raté ! La voilà qui vient se blottir au creux de mon épaule. C’est le gros câlin fraternel qu’elle cherchait, pas la fricassé de museau. Pas grave ! On n’en fera pas une maladie. Je joue son jeu, je lui caresse les cheveux, puis les joues, ce que je peux, quoi ! Elle se sent très bien comme ça ! Elle ne décolle plus de sa position. J’attends, je ne suis pas pressée, je vous l’ai déjà dit, je n’ai rien de spécial à faire ce matin. Mais, bon, on ne va pas non plus passer toute la matinée comme ça. Je décide d’être un peu directive.

 

– Pho ?

– Oui !

 

Elle me répond « oui », sans me regarder ! Elle exagère tout de même !

 

– Regarde-moi !

 

Elle le fait, elle s’efforce de me sourire, y parvient, mais on la sent agitée de sentiments contradictoires. Bon sang, c’est probablement d’une thérapie que cette fille a besoin et non pas d’une nymphomane bisexuelle en chaleur. Je sais pourtant comme l’acte d’amour peut être apaisant. A moins que je ne dise cela que pour me donner bonne conscience !

 

– Embrasse-moi !

 

Elle le fait… sur la joue… pas un instant, elle n’a semblé penser à autre chose ! Ben ça alors ! Voici mon intuition prise en défaut. Et puis, je me dis qu’il faudrait sans doute que j’arrête de faire le zouave ! Sur ce coup-là, je suis quand même un peu salope d’essayer de m’envoyer une nana qui n’est pas vraiment venue pour cela. Et puis, ça a été plus fort que moi, je n’ai tout simplement pas pu m’en empêcher !

 

– Embrasse-moi mieux que ça !

 

Oh ! Que je m’en suis voulu, l’espace d’une seconde, mais l’instant d’après nos bouches étaient collées ! La conviction de ma partenaire me paraissait bien faiblarde et je m’apprêtais à abandonner cette joute quand je la sentis s’enhardir. Sa langue prenait du poil de la bête et s’agitait en tous sens jouant avec la mienne. Elle s’abandonnait maintenant dans ce long baiser dont j’avais cru qu’elle ne voudrait pas. C’est elle qui se retira la première. Elle eut alors ce geste sublime de se contenter de me regarder d’un air malicieux avant de m’offrir une seconde fois ses lèvres.

 

Nous étions cette fois dans le vif du sujet, mes mains se faisaient baladeuses, les siennes aussi mais moins, comme si elle n’osait pas trop. Après tout, si je savais maintenant le résumé de sa vie récente, je ne connaissais pas pour autant le personnage ! Et peut-être était-ce la première fois qu’elle se collait ainsi à une autre femme en dehors de toute contrainte ? Je lui demandais. Parfois j’aime bien savoir ! Mais l’imprécision de sa réponse ne me renseigna guère.

 

Son tee-shirt m’emmerdait, je passais la main dessous, lui pelotais les seins que les circonstances avaient laissés libres et dont les pointes étaient d’ors et déjà érigées, à moins qu’elles l’étaient en permanence, allez savoir ? Mais manifestement, mademoiselle ne comprenait pas que je voulais lui retirer ce foutu vêtement. Tant pis, on change de tactique ! Je dégrafe son short, ne pouvant m’empêcher au passage de sourire à l’incongruité de cette fringue. Zlouf ! Il glisse tout seul, il n’y a rien en dessous. Je lui pelote les fesses, je lui malaxe. J’attends un peu pour tripoter la chatte. Je ne voudrais pas passer à ses yeux pour une obsédée ou pour une sauvage ! Quoique sur cet aspect des choses, il est peut-être déjà trop tard ? Elle ne cherche pas à me déshabiller, elle me fait des caresses qui pour elle sont sans doute très osées, mais par-dessus le vêtement et passé le plaisir de la suggestion, ce n’est pas terrible, terrible ! Elle ne veut donc pas me foutre à poil ! Bon ! Qu’à cela ne tienne ! Je sais le faire toute seule ! Elle me regarde, me découvre :

 

– Tu es belle !

 

Bon dieu ! Qu’elle me fait plaisir en disant cela ! D’abord parce que c’était pratiquement les premières paroles qu’elle prononçait depuis la fin de son histoire, mais surtout parce que par ses simples mots, elle cessait (oh ! bien légèrement, je le conçois) d’être complètement passive. Du coup, je la remerciais d’un très furtif baiser sur la bouche, puis lui ôtais enfin son tee-shirt.

 

Et là, le choc !

 

Oh certes, ils étaient ravissants ses petits seins (pas si petits d’ailleurs, de jolies pommes !) biens galbés, la pointe un peu large et très sombre. Hummm ! Mais le choc était ailleurs, son torse et son ventre étaient zébrés de marques de flagellation. Je la fis se retourner pressentant que ce serait pire de l’autre côté. Je ne me trompais, hélas, pas, certains coups avaient entamé la peau, elle avait été fouettée au sang ! Quels sont donc ces malades qui frappent aussi fort ?

 

– Les salauds !

 

Et puis je voulus savoir :

 

– Gautier-Normand, il te frappait aussi fort ?

– Non, lui il ne m’a jamais blessé, du moins intentionnellement !

– Faudrait peut-être que l’on soigne un peu tout cela ?

– C’est toi qui vas me le faire ?

 

Et à nouveau ce sourire si doux !

 

– – Bien sûr !

 

J’étais soudain envahie d’une immense compassion pour cette pauvre gosse. Il y avait tant à faire ! Tant mieux, ça m’occuperait intelligemment. Et puis faire une bonne action dans de telles conditions ça n’a rien d’une corvée. Je m’accroupis devant elle, carrément face à son sexe.

 

– Tu ne vas rien dire ?

– Je ne vais rien dire pourquoi ?

– Si je te lèche le sexe ?

– Tu es une drôle de fille !

– Ah oui ? Tu as vu ? Hein ! Mais ça ne répond pas à la question ! Alors ?

– J’ai confiance !

 

Etait-ce ça aussi une réponse ? J’osais un baiser sur son mont de Vénus, elle ne protestait pas, sa peau était douce. Et puis alors que je ne m’y attendais absolument pas, elle me demanda d’une voix faussement ingénue :

 

– Tu veux me bouffer la chatte ?

 

Enfin, elle se déniaisait !

 

– Si tu n’y vois pas d’inconvénients !

 

Et alors que je me demandais quelle phrase bizarre et plus ou moins décalée, elle allait me répondre, la voici qui se met à écarter les lèvres de son vagin et qu’en un geste sublime, elle offre son sexe à ma bouche. Mon dieu que c’est beau ! J’en aurais chialé. Je colle les lèvres de mon visage contre sa chatte, et je lape. L’odeur y est assez forte. Manifestement Pho n’a pas de fait de trop grandes toilettes depuis sa fuite. Qu’importe ! Cette odeur musquée ne me dérange absolument pas, au contraire, cela réveille quelques pensées très fantasmatiques… mais n’anticipons pas, il y a un temps pour chaque chose !

 

Je la besogne à genoux en lui caressant les fesses. Il y a plus confortable comme position, et puis surtout j’aimerais bien qu’elle s’occupe aussi de moi !

 

– Allonge-toi par terre, sur la moquette, on va se mettre en soixante-neuf, où plutôt non, viens avec moi, les plumards, ce n’est pas fait que pour dormir !

 

Je lui prends la main, sa jolie petite main, et je l’entraîne, je la pousse carrément sur le lit. Elle rigole un tout petit peu, c’est la première fois. Elle se met sur le dos, je l’enjambe à l’envers dans cette position hyper classique et je reprends mes léchages. Rien de l’autre côté ? Je l’interpelle !

 

– Ben alors ? Il n’y a pas de retour ?

 

Bon, l’allusion technique tombe à plat ! Il va falloir que je lui fasse un dessin à la petite cambodgienne ! Je reformule donc :

 

– Tu ne veux pas t’occuper de moi ?

– Si, excuse-moi, je suis un peu gourde, j’ai peur de prendre des initiatives !

– Allez lèche, ma grande, lèche !

 

A ce moment un horrible doute sur ses capacités de bien faire la chose m’assaille. Pas longtemps ! Telle une anguille, la langue de l’Asiatique furète ma chatte, la lape, la lèche, la caresse. Je mouille comme pas possible. Mon clito est aussi raide que ma rampe d’escalier. Sa langue passe une fois dessus, deux fois, trois fois, ses lèvres l’enserrent, ses dents s’en approchent, le mordillent… moi qui ai failli la prendre pour une godiche. Je hurle, je gueule, je donne des grands coups de poings dans la literie pour ponctuer ma jouissance. Je suis en sueur, j’ai les cuisses trempées et les draps du lit sont bons pour être changés. Je me force un peu à récupérer, j’ai du plaisir à lui rendre, moi, à ma « chinoise ». Elle est longue à venir. Pourtant elle est réceptive. Alors je modifie ma position, je change de sens et tandis que je m’occupe de son sexe, de mes bras tendus, je lui pince le bout des seins. C’était la bonne formule, elle pousse des petits soupirs rauques, de plus en plus rapprochés, ses yeux se ferment et elle finit par venir à son tour concluant sa jouissance d’un curieux soulèvement des fesses qui retombèrent aussitôt après s’être immobilisées quelques instants. Bizarre ce truc ! J’éclate de rire !

 

Elle se retourne pour se relever m’exhibant son joli petit postérieur, je ne peux m’empêcher d’aller l’embrasser et pratiquement par réflexe je lui écarte les fesses afin d’accéder à son petit trou, j’y pointe mon nez et ma langue, j’aime l’odeur d’un petit cul, je savoure. Je lui mets un doigt, je pilonne, ça la fait rire, j’accélère, et la voilà qui joui une nouvelle fois ! Dingue !

 

Elle est rayonnante, ma Pho ! Elle se jette dans mes bras. Elle pleure, c’est l’émotion ! Comme tout à l’heure elle veut son gros câlin ! Je ne vais tout de même pas lui refuser cela ! Elle est là sur mon sein, repue, apaisée, calme. Je ne bouge pas ! Ça m’a un peu crevé tout cela. Elle finit par s’endormir et je l’imite quelques instants plus tard.

 

Merde, on a ronflé ! Il est quelle heure ? Je regarde : presque midi ! J’ai faim ! Très faim ! Toutes ces petites choses amusantes m’ont bien creusé l’estomac. Et elle, est-ce qu’elle a faim ? Oui, elle a faim ! Est-ce qu’un gros plat de pâtes à la sauce tomate ? Oui, ça lui dit ! Je regarde, j’ai tout ce qu’il faut ! Est-ce que j’ai assez de pain ? Non ! Qu’à cela ne tienne, je vais aller en chercher, la boulangerie est à 300 mètres, il me faut cinq minutes pour faire l’aller-retour s’il n’y a pas la queue ! Je me rhabille en vitesse. Et hop je file ! Evidemment il y a la queue ! Et si j’en profitais pour acheter des gâteaux ? Tiens, je vais prendre une amandine et une religieuse au chocolat, ça me rappellera des souvenirs (voir l’épisode : Pâtisseries, SM et Spaghettis). Elle sera contente la petite Pho ! Et je rentre !

 

C’est quoi ce bordel ? J’aurais oublié de refermer la porte ? Je deviens fêlée ou quoi ? Mais ! Mais ! Ce n’est pas cela, on a crocheté ma serrure ! A cette vitesse ? A cette heure-là ? Gonflés, les mecs ! Puis mon sang ne fait qu’un tour :

 

– Pho ?

 

Elle n’est nulle part, ses vêtements sont restés par terre, seule trace de son passage ici ! Les salopards à ses trousses l’ont proprement embarquée.

 

– Non !

 

Putain, les salauds ! Les salauds ! Pho est maintenant en danger, en grave danger, peut-être même en danger de mort. Je fais quoi ? Les flics ? Je ne sais pas pourquoi, je n’y crois pas, c’est trop aléatoire ! Est-ce qu’ils vont lever leur cul pour une fille sans papier ? Non, il doit y avoir moyen de se débrouiller et je crois que j’ai la solution.

 

La journaliste !

 

Anna-Gaëlle ! C’est elle la solution ! Pourvu qu’elle ne soit pas barrée dans un des quatre coins du monde ! J’en ai besoin ! Non, elle est là. Je lui explique, je lui raconte, je sollicite son aide.

 

– Tu aimes ça te foutre dans des coups tordus ? Chanette ?

– Je ne le fais pas exprès, figure-toi ! Alors tu es d’accord pour m’aider ou pas ?

– Je prends tout ce qu’il faut et j’arrive, on va te la retrouver ta chinoise !

 

Il y a combien de temps que je connais Anna-Gaëlle ? Dix ans peut-être ? A l’époque elle était journaliste à Globo, elle était venue m’interviewer (c’était tellement rigolo de faire un reportage sur les dominatrices !) Cela avait tourné très bizarre, elle était en fait fascinée par mon monde, cela ne l’avait pas empêché de laisser publier un article assez immonde sur mes activités (voir les deux épisodes de Chanette et la journaliste) Mais on s’était expliqué entre femmes et depuis on est devenu copines en restant parfois de longues périodes sans se voir.

 

Anna-Gaëlle est de taille moyenne, les cheveux assez courts, toujours décolorés en blond platiné, de beaux yeux bleus, une peau assez claire et toujours un maquillage savant (trop).

 

Après ma rencontre, elle s’est fâchée avec sa rédaction et s’est trouvé embringuée dans une rocambolesque histoire de coup de foudre amoureux avec un type du show-biz qu’elle avait jadis interrogé (tous les détails dans l’épisode Mariage d’argent-tourments) Anna-Gaëlle se laissa faire. Le client se révéla plutôt fortuné. Il se révéla aussi fort imprudent après leur mariage au point d’aller périr en mer à bord de son yacht. L’assurance vie était coquette et mon ex-journaliste ouvrit pour s’occuper une galerie d’art rue de Seine. Ça faisait très chic ! Madame avait donc des loisirs…

 

– Bon, voilà, j’ai apporté ma carte de journaliste, je ne l’ai jamais rendu. J’en ai pas pour toi, mais en principe les gens ne regardent pas ces choses de bien près. Tu seras censée être ma photographe, prend toi un appareil, par contre je vais te prêter cela !

– Un flingue ? Non, mais ça ne va pas ? Je ne veux pas me servir de ça !

– On ne te demande pas de t’en servir, on te demande de le montrer !

– Putain ! Où on s’embarque ?

– N’ai pas peur ! Si vraiment l’affaire se limite à Gautier-Normand, ça n’ira pas bien loin !

– C’est là qu’on va aller en premier ?

– Tout à fait, il y a toutes les chances pour qu’elle soit chez lui. Il est le seul à connaître l’épisode de Monsieur Henry. Je suppose qu’ils ont épluché ses carnets d’adresses !

– Il n’aurait pas pu l’embarquer, ce con !

– On n’embarque jamais tout !

– Je trouve quand même qu’ils ont été bien rapides !

– Qu’est-ce que tu veux, ce sont des « pros » !

– Justement tu as l’air de dire que ce n’est pas dangereux…

– Il y a toujours moins de danger avec les gens qui savent ce qu’ils font !

– Bon, on fait quoi ?

– Je vais solliciter une interview de Gautier-Normand. J’ai son numéro, ce con est sur liste rouge, mais il est dans le bottin mondain. Faut vraiment qu’il soit barge ! J’ai essayé de glaner quelques renseignements sur le personnage, je n’ai pas grand-chose, mais je sais qu’il collectionne les voitures anciennes. Ça suffira amplement comme approche !

 

– Allô ! Non, non ! On aurait tellement souhaité incorporer l’article dans le prochain numéro. La semaine prochaine, ça fera trop tard… et blablabla…

 

Quatre jours à attendre, à se morfondre. Anna-Gaëlle, elle essayait de me rassurer.

 

– Ils ne vont rien lui faire ! Rien d’irrémédiable, il n’y a aucune raison !

– J’aime ton optimisme ! Et puis pourquoi a-t-il cherché à la récupérer ? Dans le code de ces gens-là, elle n’est plus à lui !

– Ça je n’en sais rien, mais ce n’est pas le plus important !

– Bon, allons-y ! Répondis-je résignée, en réglant pour l’énième fois cette ridicule perruque brune censée empêcher l’homme de main de me reconnaître.

 

Gautier-Normand

 

Ah ! Ça, on ne peut pas dire que le Jean-Luc Gautier-Normand soit un modèle de décontraction. Un visage trop ovale, un nez minuscule, des lèvres trop fines, une coiffure très courte lui faisant ressembler la tronche à une sorte de Pierrot lunaire. Et la tenue ? Le blazer bleu marine, boutonné bien sûr, le pantalon de flanelle grise, on s’attendait presque à le voir en cravate au milieu de sa propriété. Non ! Monsieur trouvait comme le sommet de l’élégance de s’affubler d’un foulard au cou dont une partie disparaissait dans sa chemise blanche.

 

Une soubrette nous apporta des rafraîchissements. Je la dévisageais. Elle était tout à fait ordinaire. Enfin, je veux dire que rien ne laissait deviner le véritable statut de cette femme, mais après tout, il n’était même pas évident qu’elle fasse partie de son « cheptel » d’esclaves !

 

Anna-Gaëlle posait les questions avec une rigueur toute journalistique, l’entretien s’enregistrait sur son magnétophone, mais elle prenait aussi des notes sur un calepin. J’étais, moi, censé prendre des photos et c’est avec le sentiment de gâcher doublement de la carte mémoire que je m’obligeais à tirer le portrait du maître des lieux.

 

– Allons donc visiter mon petit musée ! J’espère que vous ferez partager à vos lecteurs ma passion pour l’automobile !

 

Tu parles ! La corvée, oui ! S’il y a un truc qui me fait aucun effet, c’est bien les bagnoles qu’elles soient modernes, anciennes, de sport, de luxe ou de tout ce que l’on voudra !

 

Le but du jeu était de faire passer un « courant » entre Anna-Gaëlle et le Gautier-Machin. Elle était très douée ! Et que je m’intéresse à tous ces trucs, et que je rigole à toutes les anecdotes, et que je trouve monsieur très spirituel.

 

– Regardez-moi ces jantes ! S’exclama le Jean-Luc.

– Oh ! Quelles merveilles ! S’enthousiasma ma journaliste préférée !

 

Holà ! Faudrait peut-être arrêter ! Qu’est-ce qu’elles ont ces jantes ? Ce sont des jantes ! Point final ! Il n’y a rien là-dedans qui soit de nature à me faire mouiller ma culotte !

 

– Prends une photo ! Me demande-t-elle

 

Je prends donc les jantes en photos, j’aurais décidément tout fait dans ma vie ! Et l’autre qui continue, il sort complètement de sa réserve, c’est devenu un véritable débit à paroles…

 

– Tenez, à propos de ce modèle, j’ai une anecdote assez cocasse, figurez-vous que…

 

Et il raconte ses salades, et Anna-Gaëlle qui s’esclaffe, qui le trouve très drôle. Deux vrais larrons en foire. Je fais semblant de rire à mon tour, mais putain, que c’est dur. Enfin l’objectif est atteint, la glace est rompue, il faudra maintenant donner juste un petit coup de pouce. Peut-être même pas d’ailleurs, car notre homme rentre carrément dans notre jeu.

 

– Vous êtes décidément très sympathique ! Il est simplement dommage que vous n’ayez pas plus de temps, je vous aurais parlé de mes autres passions.

 

Ça mord, ça mord !

 

– Oh ! Vous savez, nous organisons notre emploi du temps assez librement. Vous nous faites tellement bien partager vos hobbies que c’est un vrai plaisir aussi pour nous. Qu’avez-vous donc d’autre à nous montrer ? Ah ! C’est embêtant, je vais être en panne de cassette.

– Ah ? Vous savez, il y a de tout ici, je vais vous en faire dégotter une !

– Laissez donc, j’écrirais, et puis comme cela tout ce que vous nous direz sera off-line, c’est quand même plus naturel !

– Comme vous voulez !

– Alors cette seconde passion ?

 

Alors ? Alors ? Comment va-t-il nous sortir ça ? Tout cela me paraît presque trop facile.

 

– Ce sont les armes anciennes !

 

Merde, merde et re-merde, ça veut dire une nouvelle heure de perdue !

 

C’est quand même plus intéressant que les bagnoles son truc, mais bon, une heure parmi les arbalètes, les frondes, les boucliers et les morceaux d’armures… bof ! Le seul intérêt de tout cela c’est que le degré de convivialité entre le Jean-Luc et la journaliste est désormais à son maximum.

 

– Ça m’a fait plaisir de vous rencontrer, vous savez, je ne fréquente pas grand monde. J’ai encore plein de choses à vous raconter si cela vous intéresse

– Bien sûr !

– Me ferez-vous l’honneur de rester dîner en ma compagnie ?

– Mais bien volontiers ! Répondit ma complice. Auriez-vous un troisième musée ?

– Non, mais j’ai dans ma bibliothèque un certain nombre de pièces qui pourrait vous intéresser !

 

Non ! Ça ne va pas recommencer ! Il faut désormais précipiter les choses. J’échange un petit regard avec Anna-Gaëlle, on s’est compris. Elle se lance, raconte je ne sais plus quelle connerie. L’autre rigole comme un âne, on est tous en train de se bidonner et soudain Anna-Gaëlle lâche son trait :

 

– Je vais vous faire une confidence, Jean-Luc ! Je peux vous appeler Jean-Luc ?

– Mais, certainement !

– Nous nous sommes déjà rencontrés !

– Ah ! Oui ? Répond l’homme pas plus étonné que cela pour le moment.

– Dans des circonstances très particulières !

– Etes-vous sûre de ne pas confondre ?

– Non ! Non ! Je suis sûre !

– Alors je donne ma langue au chat !

 

Attention pour le missile !

 

– A une soirée du SM 27 !

 

Moment de stupeur sur le visage de notre interlocuteur, puis dans la foulée, il bredouille presque :

 

– Je ne vois pas de quoi vous parlez ?

 

Son visage vire au coquelicot ! La phase est difficile, s’il persiste dans son refus d’aller plus loin, nous serons obligées d’agir tout de suite et dans de mauvaises conditions…

 

– Ne niez pas, Jean-Luc, nous partageons la même passion et je ne trahirais pas votre secret, notre secret. Ceci n’a plus rien à voir avec l’interview…

 

Gautier hésita un instant sur la conduite à tenir. On avait théoriquement tout prévu et il faudrait bien que l’on s’adapte à la situation. Son visage se détend ! Tout va bien donc !

 

– Dont acte, alors ! Le monde est décidément bien petit !

 

Ouf !

 

– Je ne vous le fais pas dire ! Maintenez-vous votre invitation, Jean-Luc ?

– Bien évidemment, nous aurons un sujet de conversation supplémentaire, un sujet passionnant ! Ainsi vous êtes intéressée par le petit monde du SM ?

– Hummm ! J’adore !

– Et vous seriez plutôt soumise ou plutôt dominatrice ?

– Ni l’un, ni l’autre. Je suis voyeuse, simplement voyeuse… J’adore regarder ce genre de choses… et je vous laisse deviner l’effet que cela me fait…

– Je vois ! Hum… Et si je vous offrais une petite surprise, un petit spectacle SM, rien que pour vos yeux, en votre honneur ?

– Grand coquin ! Tentateur !

– Ça vous dit, alors ?

– Mais où voulez-vous nous emmener ?

– Nulle part, ça se passe ici, mais répondez-moi Anna ?

– Ça me convient parfaitement !

– Peut-être pourriez-vous libérer votre photographe ? La soirée n’en serait que plus intime !

 

Ça y est, ce con s’aperçoit maintenant que j’existe et il veut me virer…

 

– Vous n’y pensez pas, Jean-Luc, Christine n’est pas seulement ma photographe, nous sommes… disons… très liées, voyez-vous ?

– Ah ! Je vois ! Coquine !

 

Tout de même ça le contrariait un peu, le pauvre biquet. Il nous demande si nous préférons ce petit spectacle avant ou après le dîner.

 

– Hum, je n’aurais sans doute pas la patience d’attendre la fin du repas, je suis déjà toute excitée ! Répondit Anna-Gaëlle.

– Excitée ?

– Excitée d’impatience, ne vous méprenez pas, grand coquin !

– Bon, je vais donner quelques instructions, et nous allons vous offrir cela tout de suite. Me laissez-vous le choix de la soumise, où avez-vous une préférence ?

 

Il nous laisse choisir ! Le con ! C’est inespéré !

 

– Vous n’avez que des soumises ? Pas de soumis ? Demanda Anna-Gaëlle.

 

Pourquoi cette digression ? Pour donner le change ?

 

– Non ! J’ai essayé, mais ce n’est vraiment pas mon truc ! Si c’était cela votre préférence j’en suis franchement désolé !

– Pas du tout ! Que nous proposez-vous ?

– Et bien, j’ai une ravissante petite Ethiopienne, c’est ma préférée, ma chouchoute en quelque sorte, je vous la conseille bien sûr. Sinon j’ai aussi une asiatique, une petite blonde, et aussi Mathilde, la fille qui nous a servi tout à l’heure !

 

Hé ! Hé ! Le dénouement est donc tout proche !

 

– Hum ! Une asiatique me conviendrait très bien !

– Ah bon ! Répondit notre hôte, quelque peu étonné que nous contrariions ainsi son choix. Vos désirs sont des ordres, ma chère, je vous laisse quelques instants.

 

Mon cœur battait la chamade ! Parce que le moment inéluctable approchait. Dans quelques instants, « finita la comédia », ce serait une action de commando avec tous les risques. L’avantage de la surprise, l’avantage de la sortie des armes, mais l’inconvénient, l’énorme inconvénient de l’inexpérience la plus totale.

 

– Venez ! Notre jeune esclave est prête !

 

à suivre

Ven 20 mai 2016 Aucun commentaire